Rencontre avec Denis Villeneuve, membre du Jury des Longs Métrages

Denis Villeneuve - Membre du Jury des Longs Métrages © François Silvestre De Sacy /FDC

Originaire du Québec, Denis Villeneuve se fait remarquer à Cannes avec son premier long métrage Un 32 août sur Terre, en 1998. Vingt ans plus tard, il incarne l’un des réalisateurs les plus audacieux du cinéma mondial. Incendies, Sicario, Premier contact ou encore Blade Runner 2049, le cinéaste ne cesse d’enchaîner les succès, qu’il porte même jusqu’aux Oscars. Rencontre avec le plus américain des québécois. 

Comment avez-vous abordé ce rôle de juré ?

Quand on m’a proposé de faire partie du Jury, j’y ai vu une opportunité un peu égoïste de renouer avec ma passion de cinéphile. J’ai regardé moins de films ces dernières années car je passais mon temps à les réaliser. Après mon dernier tournage, j’ai ressenti un besoin important de prendre une pause, de me nourrir à nouveau du cinéma. J’avais besoin de me faire surprendre par des films et jusqu’à présent, je ne suis vraiment pas déçu. En revanche, je trouve cela difficile de juger mes pairs, étant moi-même cinéaste. J’ai décidé que je n’allais pas juger les films mais que j’allais les défendre.

Quel souvenir gardez-vous de votre première fois à Cannes ?

C’était un choc. Je connaissais le prestige et la qualité des films du Festival mais je ne m’étais pas rendu compte de l’ampleur du marché. Pouvoir ressentir l’héritage du cinéma à travers l’histoire du Festival m’a touché.

Quel a été votre premier coup de cœur cinématographique ?

2001: l’Odyssée de l’espace est le film qui m’a le plus marqué. Je l’ai d’abord entrevu depuis la cage d’escalier quand j’étais très jeune. Je l’ai ensuite regardé dans son intégralité à la télévision et je me souviens avoir été marqué par le vertige qu’il créait. C’est devenu mon film préféré. Le redécouvrir au Festival, en 70mm, était une expérience exceptionnelle.

Je suis définitivement un cinéaste très américain.

Quels sont les réalisateurs qui vous ont le plus influencé ?

Spielberg est le premier cinéaste à m'avoir fait comprendre le métier de réalisateur. Je suis originaire d’un petit village québécois, alors mes premiers rapports au cinéma ont surtout été influencés par les Américains. Grâce à Spielberg, j’ai découvert l’existence de Truffaut, dont je ne connaissais absolument pas le nom et qui m’a ensuite initié à la Nouvelle Vague. Ingmar Bergman a également été un choc.

Vous êtes québécois et pourtant vos films sont très américains. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans cette voie-là ?

J’ai toujours eu envie de me diriger vers le cinéma américain mais j’étais très maladroit. Même si j’ai commencé ma carrière avec Un 32 août sur Terre, un film québécois influencé par la Nouvelle Vague, j’ai vite réalisé que je n’étais pas à ma place. Dès l’instant où j’ai assumé mes origines nord-américaines et que j’ai compris qu’il fallait que je retourne à mes premiers amours, j’ai complètement lâché prise et je suis devenu plus heureux. Je suis définitivement un cinéaste très américain.

Premier contact, Blade Runner 2049 et prochainement Dune sont tous des films de science-fiction. Qu’est-ce qui vous attire dans ce genre ? 

J’ai été initié au cinéma par ce genre, comme en témoigne mon premier choc cinématographique 2001: l’Odyssée de l’espace. Ce que j’aime dans la science-fiction, c’est qu’elle permet d’aborder des thèmes ardus comme la religion ou d’autres aspects tabous de la société avec beaucoup de liberté et de distance.

J’aimerais parvenir à créer une œuvre qui résonne dans le temps.

Comment aborde-t-on des projets de l'ampleur de Blade Runner 2049 ?

Blade Runner 2049 a été la chose la plus difficile que j’ai eu à faire dans ma vie car je me suis emparé du rêve de quelqu’un d’autre. C’est presque du vandalisme ! M’approprier cet univers a vraiment été compliqué. Cela a représenté presque deux ans de travail.

Vous avez tourné deux fois avec Jake Gyllenhaal. Qu’a-t-il de particulier ?  

A l’époque d’Enemy, nous ressentions tous les deux le besoin de repenser la relation entre l’acteur et le réalisateur. Je souhaitais trouver une complicité avec l’acteur et j’avais envie qu’il occupe une place centrale dans mes œuvres, ce dont Jake avait également besoin. C’est ce que nous avons premièrement essayé de faire dans Enemy, un film très expérimental pour lequel nous ne nous sommes pas mis la pression. Je lui ai ensuite demandé de faire partie de Prisoners et nous avons appliqué ce que nous avions développé ensemble.

Xavier Dolan, Jean-Marc Vallé, vous-même… Le cinéma canadien se porte bien. Quel regard portez-vous sur l’industrie du film de votre pays ?

Il y a deux cinémas vraiment distincts dans mon pays. Le cinéma canadien est financé par l’État mais les cinéastes québécois reçoivent plus de subventions de la part de la province. C’est une sorte d’encouragement, de soutien qui porte ses fruits. Même si mon cinéma est plus américain, contrairement à Xavier Dolan dont l’œuvre est très imprégnée de la culture québécoise, il est quand même inspiré de mes racines et cela se ressent dans la façon d’aborder les thèmes ou encore les personnages.

Deux films à Cannes, plusieurs nominations aux Oscars… Que peut-on vous souhaitez de plus ?

Ce qui est important pour moi, c’est de faire un film qui sera une œuvre solide, qui va traverser l’histoire. J’aimerais parvenir à créer une œuvre qui résonne dans le temps.