Whitney : entretien avec Kevin McDonald

Photo du film Whitney © DR

Après Being Mick (2001), sur le leader des Rolling Stones Mick Jagger ou encore Marley (2012), sur l’icône du reggae Bob Marley, le réalisateur britannique Kevin McDonald retrace la vie de la chanteuse Whitney Houston, décédée en 2012. Construit sur des performances lives et des images inédites, Whitney révèle à quel point la musique était un exutoire aux tourments de la star.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de réaliser ce documentaire ?

J’ai toujours été admiratif de la force émotionnelle dégagée par la voix de Whitney Houston. Elle donnait l’impression de communiquer plus facilement à travers elle qu’au travers des paroles de ses chansons. La deuxième chose qui m’a convaincu, c’est le mystère qui entourait sa personnalité. Elle n’a jamais vraiment révélé qui elle était aux journalistes et même ses proches ne sont aujourd’hui toujours pas d’accord sur les raisons qui l’ont menée à emprunter cette trajectoire tragique. Il demeure encore des secrets et des mensonges, et c’est ce qui fait de son histoire une enquête fascinante pour un réalisateur. J’ai eu le dernier mot sur le montage. Si cette condition n’avait pas été remplie, je ne me serais pas engagé sur ce projet.

Qu’est-ce que ce film montre de sa relation à la musique ?

Qu’elle était son moyen de communication, son exutoire. D’une certaine manière, elle n’était elle-même que lorsqu’elle chantait. Je pense que faire de la musique était très facile pour Whitney. Presque trop. Ce film a été un voyage vers l’inconnu de bout en bout. J’avais le sentiment qu’il y avait dans son histoire quelque chose de plus profond que ce qu’on lisait dans ses yeux, quelque chose à propos d’elle qui expliquait ce mal être qui l’a toujours animée.

Votre documentaire rappelle aussi que pour la femme noire qu’elle était, travailler dans un milieu de blancs était compliqué…

Je crois qu’il n’y a pas de hasard si les trois plus grandes stars noires des années 1980, Michael Jackson, Whitney Houston et Prince, sont tous morts à quelques années d’intervalle et dans des circonstances similaires. Tous les trois étaient toxicomanes, solitaires et s’interrogeaient sur leur identité raciale. Ces questions sont si complexes à développer dans le cadre d'un film de deux heures que je me suis contenté de les représenter visuellement. En montrant par exemple avec quelle ironie Whitney a chanté un jour l'hymne américain, alors qu’elle avait connu les émeutes de Newark dans les années 1960. Elle a été profondément marquée par le racisme dont ont été victimes ses parents.

Un mot sur le montage du film ?

Il a été très difficile. Je n’aurais jamais pu l’achever sans le talent de Sam Rice-Edwards. L’entreprise était compliquée car Whitney s’est toujours employée à garder sa part de mystère. Mais aussi parce que beaucoup de gens à qui j'ai parlé durant le tournage hésitaient à me dire la vérité. Ils mentent depuis des années en expliquant qu'il est difficile de dire la vérité à son sujet. Nous avons monté pendant environ 18 mois. Nous n’avons tourné l’interview la plus importante du film que deux semaines avant d’achever le montage.

Après Mick Jagger ou Bob Marley, Whitney Houston : qu’est-ce qui vous intéresse chez ces icônes populaires ?

J’aime essayer de les comprendre comme de simples êtres humains. Je suis lassé des icônes. J’ai toujours pensé que le juge d'un bon film sur un artiste est la réponse à cette question : « Appréciez-vous plus leur art après avoir regardé mon film ? » Si la réponse est oui, alors c’est que j'ai réussi.