Bertrand Tavernier, vagabondage avec les oubliés du cinéma français

Photo du film Voyage à travers le cinéma français © DR

Il en rêvait depuis qu’il arpente les salles obscures et les plateaux de tournage : dans Voyage à travers le cinéma français, le cinéaste français Bertrand Tavernier a revisité l’histoire du 7e Art pour braquer ses projecteurs sur les auteurs oubliés du cinéma français. Le résultat est un documentaire dense, qui en dit long sur son amour du cinéma.

Qu’est-ce qui vous a mené à sa réalisation ?

Cela faisait très longtemps que j’avais envie de faire un film sur le cinéma français, en exploitant tout ce que j’avais pu grappiller d’histoires ou de ressentis auprès des gens que j’avais côtoyés, admirés ou avec lesquels j’avais travaillé depuis l’âge de vingt ans. C’est un rêve qui remonte peut-être même à mes heures de jeune cinéphile : j’ai découvert que certains cinéastes, acteurs et auteurs pouvaient mourir dans l’indifférence générale.

Quelles règles de travail vous êtes-vous fixées ?

Je ne souhaitais pas réaliser une histoire du cinéma français, ni un récit chronologique. J’imaginais plutôt un vagabondage, une sorte d’évocation subjective, partiale, qui évoque aussi mes regrets. Quand je consacre un peu de temps à un réalisateur, je ne parle pas des longs métrages que je n’aime pas chez lui. C’est un film d’admiration qui n’est pas géographique. C’est un point de vue de cinéaste.

Vous racontez également beaucoup d’anecdotes…

Elles sont basées sur des documents que j’ai dénichés. Par exemple, je raconte qu’un jour, un producteur allemand de Chabrol lui a annoncé qu’il allait devoir faire le même film, mais avec la moitié du budget pressenti, car un coproducteur allemand était en prison. Ce genre d’anecdotes, c’est ce qui fait notre vie de cinéaste.

Comme avez-vous cheminé jusqu’au résultat final ?

J’ai d’abord écrit quelque chose de très vaste. Mais il fallait que je trouve une progression dramatique. Comment passer d’un metteur en scène à un autre ? Parfois, je suis passé par une progression biographique. Parfois, en utilisant mes premiers chocs au cinéma. Parfois, en m’appuyant sur des personnes que j’ai rencontré, avec lesquelles j’ai travaillé.

« Le cinéma français est un cinéma dont on peut être fier »

Vous réhabilitez aussi les musiciens…

Ce sont toujours les principaux oubliés dans les histoires du cinéma. La musique n’intéresse ni les historiens, ni les critiques. J’avais notamment envie de parler de l’utilisation de la musique classique, par exemple chez Robert Bresson. De montrer la différence entre l’utilisation de la musique dans les films français des années 30, 40 et 50, et les films américains.

Ce film est-il aussi une manière de vous raconter ?

Après l’avoir vu, Jean-Paul Rappeneau, m’a envoyé un témoignage incroyablement émouvant et m’a dit : « C’est un film qui nous parle extraordinairement de toi, mais aussi, qui nous parle de nous ». J’avais une envie forte de faire ce film à un moment où il est de bon ton d’adopter une attitude condescendante envers toute la création française. Le cinéma français est un cinéma dont on peut être fier.

Un mot sur le montage et sur vos choix de narration ?

Deux ans de montage ont été nécessaires. Le film s’est progressivement imposé à moi. Il y a eu une logique narrative, le matériau s’est organisé petit à petit. Mais sont apparus dans quelques chapitres des problèmes d’accès à un matériel non restauré, qui m’ont fait abandonner certaines pistes et certains films.