La larga noche de Francisco Sanctis, rendez-vous avec Francisco Márquez et Andrea Testa

Photo de La larga noche de Fransisco Sanctis (La longue nuit de Fransisco Sanctis) © Federico Lastra

Au Certain Regard, La larga noche de Francisco Sanctis concourt pour la Caméra d’or. Le premier film des cinéastes argentins Francisco Márquez et Andrea Testa aborde le thème du manque d’implication des personnes “normales” en situation d’urgence.

Racontez-nous la genèse de votre film

Notre film est une adaptation d’un roman de Humberto Costantini, un auteur argentin qui a milité pour la gauche révolutionnaire dans les années 1970. La première chose qui nous a attiré dans son livre, c’est qu’il n’abordait pas la dictature militaire du point de vue du militant ou du militaire, comme ça s’est fait historiquement dans le ciné argentin (dans notre pays, la dictature a été particulièrement sanguinaire, laissant 30 000 disparus), mais du point de vue d’un employé de bureau qui vit ces journées-là dans l’attente d’une ascension sociale, et qui regarde ses enfants grandir tout en restant étranger aux événements politiques qui saignent son pays. Francisco Sanctis fait partie de la ‘majorité silencieuse’, une frange de la population qui, de par sa passivité, a permis la consolidation du projet militaire.

Le film ne cherche pas à juger cette frange de la population car nous n’avons pas vécu cette époque de terreur paralysante, mais il cherche à analyser la façon dont on communique en tant qu’individus, avec la réalité sociale qui nous entoure. En ce sens, le conflit de notre personnage est complètement actuel et universel.

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

Nous avons travaillé intensément avant le tournage. Avec notre petit budget et le type de film que nous voulions faire, il était essentiel d’anticiper. Nous avons fait notre planning de tournage en cherchant à suivre au maximum la chronologie du film, dans le respect du travail émotionnel du protagoniste. Mais en termes de productivité c’était problématique car toutes les scènes d’intérieur étaient tournées la première semaine. Et il a plu trois semaines sur cinq.

Pour une scène très importante du film, nous pensions que la pluie allait bloquer le tournage. Notre protagoniste devait appeler son épouse au téléphone, certainement un appel d’adieu avant d’entreprendre un voyage vers la mort. Mais il s’est arrêté de pleuvoir, un son grave nous a interpellés et le ciel est devenu tout vert. On a regardé en l’air et une météorite a traversé le ciel de Buenos Aires pendant plusieurs secondes. Nous sommes restés figés à regarder le phénomène en silence. Nous avons applaudi et nous nous sommes préparés pour filmer l’une des scènes les plus importantes du film.

Quelques mots sur vos interprètes ?

Diego Velázquez est notre héros, il figure dans presque 100% des plans. C’est un acteur qui a eu une importante carrière de théâtre en Argentine et un acteur qui s’implique beaucoup dans le processus créatif. Son travail était complexe parce que son personnage détient une information qui l’angoisse mais qu’il doit cacher. Il devait contenir ses émotions tout en s’exprimant. Diego est très cinéphile et nous avons beaucoup échangé sur l’esthétique du film.