Les Hirondelles de Kaboul, le regard de Zabou Breitman

Photo du film Les Hirondelles de Kaboul © Les Armateurs - Mélusine Productions - Close Up Films - ARTE France Cinéma - RTS - KNM 2018

Zabou Breitman, actrice, réalisatrice, et metteuse en scène française s’attaque à la réalisation d’un film d’animation pour la première fois de sa prolifique carrière, commencée en 1981. Les Hirondelles de Kaboul, adapté du roman de Yasmina Khadra, suit Mohsen et Zunaira, deux jeunes amoureux dans Kaboul occupée par les talibans. Aux côtés de la graphiste Eléa Gobbé-Mévellec, elle raconte leur histoire entre violence, répression et espoirs.

Racontez-nous la genèse de votre film.

Julien Monestiez me propose de réaliser un film d’animation, format qu’il pense plus approprié à l’histoire de Khadra. J’accepte à la condition que les personnages « jouent » bien, aient des gestes de personnes et non de « dessins animés » survoltés et conventionnels, et qu’ils aient le visage des acteurs. Je choisis la graphiste qui apportera l’univers visuel.

C’est Eléa Gobbé-Mévellec, qui emporte tout avec une image fabuleuse de Kaboul au ciel éclaté par le soleil, avec un travail fou sur la lumière et la poussière, et celle d’un taliban aux ray-ban, joint dans le bec, nonchalant, regardant l’objectif avec défi, le tout aquarellé !

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

C’était nouveau de procéder ainsi : les acteurs ont joué comme lors de scènes de cinéma, sans texte à la main, dans le studio de son. Je les ai dirigés comme sur un film « classique ». J’avais fait demander les costumes, les accessoires. Il y avait de l’eau, des pistaches, des Kalachnikov, des burqas. Ils mangeaient, se battaient, s’aimaient…  J’ai demandé aux acteurs de ne pas hésiter à hésiter, bafouiller, tousser, à légèrement improviser en fin de scène. L’idée était d’animer « ça » précisément. De ne pas « nettoyer », de laisser un rire trop long, une toux, des scènes amusées dans lesquelles les acteurs se lâchent. Rendre l’imperfection à l’animation, animer les erreurs, remettre de la vie.

Quelques mots sur vos interprètes ?

C’était étonnant, ils étaient assez peu déstabilisés. Simon Abkarian est un acteur multiple, très habile. Swann Arlaud et Zita Hanrot étaient extrêmement souples et faciles à diriger. Hiam Abbass, merveilleuse, avec sa voix bouleversante, délicate et extrême, Michel Jonasz, Sébastien Pouderoux, Elbé. Tous curieux, intrigués et partants.

Enfin mon père, Jean-Claude Deret, dont ce fut le dernier projet. Fabuleux Nazish à la voix frêle, c’est ce qui me reste de plus beau : ce personnage dessiné par Eléa, qui n’est pas vraiment lui, mais tellement lui. Il n’aura pas vu le film fini, mais je sais qu’il aurait beaucoup aimé. Il adorait Éléa et son talent inouï, et il aurait été si fier de cette sélection, ma première.

Qu’avez-vous appris durant la réalisation de ce film ?

Qu’il n’y a pas tant de différences dans l’authenticité et l’émotion entre un film « live » et un film d’animation. Et qu’il y a une marge de manœuvre bien plus grande qu’on ne le dit dans le montage d’un film d’animation.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisatrice ? Vos sources d’influence ?

La marmite. Parents scénaristes, comédiens. École du cinéma depuis toute petite. La connaissance depuis enfant, de centaines de films, français, américains, anglais, russes…

Quel regard portez-vous sur le cinéma français ?

Je suis admirative et fascinée par le choix proposé, les diversités, la liberté que notre pays offre aux artistes, toujours propriétaires intellectuels de leurs œuvres. Les talents sont multiples et les jeunes générations arrivent avec de si belles propositions…