Posoki (Directions), rendez-vous avec Stephan Komandarev

Photo du film Posoki (Diréctions) © Selma TODOROVA

Dans Posoki (Directions), son cinquième film, le réalisateur bulgare Stephan Komandarev dresse un portrait de la société bulgare au travers d’un récit dystopique. Le film relate l’histoire d’un chauffeur de taxi qui découvre que le pot-de-vin qu'il aura à payer à son banquier pour obtenir un prêt a doublé.

Qu’est-ce qui a inspiré ce film ?

Ce film est né au cours d’un jour glacial de janvier 2015, sur le siège arrière d’un taxi. Je me souviens encore du chauffeur qui me racontait qu’il était un professeur de physique nucléaire lorsqu’il a été renvoyé. Il m’a raconté comment certains de ses anciens collègues – des enseignants, des prêtres, des musiciens ou des ex-militaires -, conduisent aujourd’hui des taxis pour survivre et payer leurs factures.

De quelle manière avez-vous mené sa réalisation ?

Ma méthode de travail durant ce film peut se résumer aux 12.000 km parcourus en 7 mois, puisqu’avec une partie de l’équipe du film, nous avons conduit à travers Sofia durant sa pré-production. Avec le recul, je peux vous dire que Sofia regorge de secrets que personne ne soupçonne. Les répétitions avec les acteurs ont eu lieu durant des mois sur ces routes que j’avais repérées. Chaque épisode du film a été tourné en temps réel, qu’une seule fois. De mon côté, je suivais l’équipe dans un bus équipé d’un moniteur. Les acteurs qui ont interprété le rôle d’un chauffeur de taxi ont dû conduire un vrai taxi dans les rues de Sofia.

Un mot sur vos acteurs ?

Je travaille avec certains d’entre-eux depuis mon premier film. Nous sommes devenus de très bons amis et des partenaires car ils sont très actifs dans la rédaction du script. Durant les répétitions, nous l’avons beaucoup modifié en réécrivant certains dialogues.

Que pensez-vous de l’industrie cinématographique bulgare ?

Très peu de films sortent chaque année en Bulgarie. Les fonds attribués aux films sont très insuffisants et c’est ce qui enraye la mécanique de l’industrie bulgare. Nous manquons de fonds nationaux, ceux pour lesquels je me suis battu. Le problème, c’est que l’État bulgare refuse de considérer une solution alternative. La bonne nouvelle, c’est qu’une vague de films à petits budget est en train de voir le jour. Certains de ces longs métrages ont déjà rencontré le succès dans les festivals.

Qu’est-ce qui vous inspire ?

Tout ce qui se trouve autour de moi. La vie de mon pays. Et elle n’est pas drôle du tout. Les inégalités sociales s’accroissent avec la pauvreté et le désespoir qui montent. Pour une grande partie de la population, le rêve d’une vie décente a été remplacé par une lutte quotidienne pour survivre. En tant qu’ancien docteur, je me demande ce qui pourrait être une thérapie efficace pour notre société. Si cette thérapie existait, elle ne pourrait débuter que par la compréhension honnête de la réalité d’aujourd’hui. C’est ce que j’essaye de faire dans mes films. J’espère que la démarche de mon travail est perçue comme un prérequis à transformer cette réalité en action.