Conférence de presse : « La Frontière de l’aube »

Pour répondre aux questions des journalistes lors de la conférence de presse, Philippe Garrel, le réalisateur français de La Frontière de l’aube, présenté aujourd’hui en Compétition, était entouré des comédiens Louis Garrel, Laura Smet et Clémentine Poidatz, du chef-opérateur William Lubtchansky et du producteur Edouard Weil. Extraits choisis.

Philippe Garrel sur le choix du noir et blanc :
« Si le film avait été en couleurs, il aurait été plus difficile de faire accepter ces apparitions. J’ai copié Jean Cocteau, et comme Cocteau tournait en noir et blanc, ça me paraissait évident. C’est Henri Langlois qui m’avait dit de ne jamais abandonner le noir et blanc, et je pense que ça ne disparaît jamais. Ce qui est passionnant avec le noir et blanc, c’est qu’une fois le film fini, on le voit par rapport à l’Histoire du cinéma en noir et blanc, et pas par rapport à l’Histoire du cinéma en couleurs. »

Laura Smet sur son personnage :
« Carole est un personnage magnifique, très sensible, une jeune femme un peu paumée qui rencontre l’amour. Par rapport au personnage de Clémentine, qui est magnifique et parfaite, Carole a quelque chose d’irréel, c’est pour ça qu’elle réapparait. C’est la première fois que j’ai pleuré en lisant un scénario. C’est très poétique. C’est une histoire très forte, très fusionnelle entre deux personnes. Ca pourrait même presque être un film muet. »

Louis Garrel sur le fait de travailler avec son père :
« J’oublie forcément que c’est mon père quand on tourne. Je ne construis pas des personnages, je suis comme l’envoyé ou le missionnaire du metteur en scène, que ce soit mon père ou un autre. Je m’inspire de lui, je le vampirise, je fais des mini-portraits. »

Philippe Garrel à propos du surnaturel :
« Les scènes d’apparition sont construites de façon artisanale. Mais on n’a pas pu faire ça en une prise : le mécanisme de l’apparition a demandé beaucoup de répétitions et de concentration de la part des comédiens comme de l’équipe. Les surréalistes, dont beaucoup étaient des athées, ont traité le surnaturel comme un filon romanesque. Je pense que c’est une bonne façon de traiter ce thème. Mais il n’y a rien de plus déstabilisant que le surnaturel au cinéma. »

Philippe Garrel sur la dimension romantique :
« Le film est vaguement inspiré d’une nouvelle de Théophile Gautier, « Spirit ». Dans cette nouvelle, il y a l’apparition d’une inconnue dans un miroir. Elle demande à la personne qui la regarde de la rejoindre dans la mort pour vivre avec elle dans l’éternité. C’est un mythe romantique. Le premier titre du film, c’était « Le Ciel des anges », une expression que j’ai trouvée chez Aragon. Et puis La Frontière de l’aube m’a paru légèrement plus inquiétant. Dans le film, il y a cette idée du diable, puisque le suicide, ça représente le diable. »

Philippe Garrel sur la politique culturelle :
« Aujourd’hui, en France, 0,4 % du budget national est consacré à la culture. Dans les années 80, on tendait vers le 1%, qui était en fait autour de 0,8. Aujourd’hui, c’est donc la moitié, et ça explique tout. Alors que, dans le même temps, toutes les professions de la culture sont en développement et qu’on enseigne l’art aux enfants… C’est complètement contradictoire. Si on veut faire des économies, très bien, mais alors il faudrait aussi dégraisser les effectifs de la police… »