Conférence de presse : « Les Trois Singes »

Julia Brechler
A l’occasion de la présentation en Compétition des "Trois Singes", le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan a répondu aux questions des journalistes. Extraits choisis.

A l’occasion de la présentation en Compétition des Trois Singes, le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, le scénariste Ebru Ceylan, le directeur de la photographie Gokhan Tiryaki, le producteur Zeynep Ozbatur, le distributeur Eric Lagesse ainsi que les comédiens Hatice Aslan, Yavuz Bingol, Ercan Kesal et Ahmet Rifat Sungar ont répondu aux questions des journalistes. Extraits choisis.

Nuri Bilge Ceylan sur le titre du film :
« On a essayé plusieurs titres de film, mais je pense que celui des Trois Singes était celui qui convenait le mieux, parce qu’il y a beaucoup de situations dans le film où les personnages jouent comme les « trois singes ». Ils font semblant pour se protéger. Le fils fait semblant de ne pas voir sa mère, le père fait semblant de ne pas entendre la voix du patron. C’est quelque chose qu’on fait également dans la vie. On fait les trois singes, on fait semblant de ne pas entendre, de ne pas voir. On a aussi pensé au titre « Daydreams », « Rêveries de jour ». Mais « Les Trois Singes », c’est une sorte de mythe, et par conséquent je voulais m’en servir. C’était quelque chose d’étrange, quelque chose d’inattendu venant de ma part. Eric Lagesse ne voulait pas de ce titre, qu’il ne trouvait pas assez vendeur. On a eu quelques discussions à ce sujet. »

Nuri Bilge Ceylan sur l’accident invisible à l’écran :
« On a tourné la scène de l’accident au début. Et quand j’ai fait le montage, j’ai décidé de ne pas le montrer. Et pourtant, je m’étais donné beaucoup de mal pour tourner cette scène. On avait dépensé beaucoup d’argent. Au moment du montage, j’ai pensé qu’il était préférable que le spectateur recrée l’accident dans sa propre imagination. C’est comme lorsqu’on lit un roman. »

Nuri Bilge Ceylan sur les conditions climatiques du tournage :

« En fait, je suis comme un caméléon quand je tourne, je m’adapte aux conditions climatiques. Ce n’est pas très facile de faire un tournage en se fiant au temps. Dès que le temps change, je change le scénario. Je fais en sorte d’adapter les deux. »

Nuri Bilge Ceylan sur la mort de l’enfant :
« J’imagine que l’enfant est décédé par noyade dans la mer. Je n’ai bien sûr pas donné beaucoup d’indications à ce sujet, mais on le retrouve mouillé, en maillot de bain comme s’il sortait de l’eau. C’est un peu l’idée que je suggère. Le frère aîné se sent coupable de cette noyade. J’ai voulu utiliser cet enfant comme une sorte de lien entre les membres de la famille. Ce n’est que lorsqu’ils souffrent que l’enfant devient réellement présent pour la famille. »

Nuri Bilge Ceylan sur sa façon de travailler :
« Je prévois tout, puis je change les choses, parce qu’on n’arrête jamais de penser. Chaque nuit, je pense à ce que je vais tourner le lendemain. Parfois, on s’aperçoit que ce qu’on avait prévu ne marche pas, il faut alors trouver d’autres solutions. Et comme on n’est jamais sûr de ce que l’on va retenir au montage, il faut essayer différentes choses au moment du tournage. En général, je filme d’abord ce qui est dans le script. Puis, je tourne des alternatives. Et ensuite, j’essaie d’improviser si les acteurs ont un bon potentiel en la matière. Parfois, ça marche beaucoup mieux que ce que vous aviez imaginé au départ. Voilà ma méthode. »