Conférence de presse : « Linha De Passe »

A l’occasion de la présentation en Compétition de "Linha De Passe", les réalisateurs Walter Salles et Daniela Thomas ont répondu aux questions des journalistes. Extraits choisis.

A l’occasion de la présentation en Compétition de Linha De Passe, les réalisateurs Walter Salles et Daniela Thomas ainsi que les acteurs João Baldasserini, Kaique Jesus Santos, Vinícius de Oliveira et José Geraldo Rodrigues ont répondu aux questions des journalistes. Extraits choisis.

Walter Salles sur ses sources d’inspiration :
« Le personnage de Kaique est inspiré d’une histoire vraie qui s’est passée au Brésil il y a 4 ou 5 ans environ (…) Le film est vraiment basé sur des histoires réelles qu’on a intégrées dans la même structure narrative. Comme on souhaitait faire un film sur la jeunesse et sur des gens qui se réinventent, Daniela, avec qui j’ai fait Terre Lointaine en 1995, et moi sommes partis de la réalité brésilienne qui est très riche et nous avons fait appel à des acteurs dont la plupart n’avaient jamais tourné. 99% des personnes que vous avez vues dans le film en étaient à leurs tout débuts au cinéma, de même pour l’équipe technique. »

Sur la collaboration entre les deux réalisateurs :
Daniela Thomas :
« Walter est un homme très généreux et il a été assez fou pour m’inviter à partager cette expérience extraordinaire. Les choses n’étaient pas très bien définies. Les films que nous faisons ensemble sont très différents des films qu’il réalise seul. Quand nous sommes 2, nous devenons en fait 10, 12, 20. Il n’y a pas de vraie hiérarchie définie. Ainsi, le film est en fait l’oeuvre de toute une équipe. Les acteurs, les techniciens, tout le monde se sent très à l’aise. On parle tout le temps derrière les caméras. C’est très ouvert, on discute de tout et les gens se sentent bien. Ils aiment beaucoup faire partie de cette grande famille. »
Walter Salles :
« C’est un peu revenir à l’idée du cinéma comme aventure collective. Ca me paraissait intéressant d’expérimenter cette sensation-là de temps en temps. C’est quelque chose qui serait dur à faire de manière continue, mais après plusieurs films en solo, pouvoir revenir à cette essence collective du cinéma et penser un film qui est enrichi par des regards différents, c’est quelque chose qui est très inspirateur et qui non seulement alimente ce projet-là mais qui alimente aussi d’autres projets. Par exemple, quand je tourne avec Daniela, je sens que le résultat est plus âpre et plus brut que ce que je ferais si j’étais seul. J’aime cette sensation de danger. Ici, on est plus dans l’action, dans l’immédiat. On ne bloque pas les acteurs dans la scène, on essaie de les suivre. La caméra est au service des acteurs, il n’y a pas d’impératif, l’improvisation est constante. 25 ou 30 % des scènes qui sont dans le film n’étaient pas écrites. Il y a une liberté dans le geste qui est très intéressante et qui rend pour moi cette aventure nécessaire de temps en temps. »

Daniela Thomas sur le tournage à São Paulo :
« La ville de São Paulo s’est imposée en même temps que le script. C’est une ville gigantesque et il n’y a pas d’échappatoire comme à Rio. Rio, c’est une ville énorme, mais il y a au moins la mer, il y a une possibilité de s’en échapper, mais à São Paulo il n’y a rien, il n’y a que des rues, des immeubles, des tunnels, des ponts. São Paulo, c’est comme une ville au bout du monde. Quand on a commencé à écrire l’histoire, on est allé à São Paulo. Je ne connaissais pas tous ces quartiers qui figurent dans le film. On a commencé à plonger dans ces banlieues pour essayer de comprendre. La plupart des endroits que vous voyez dans le film sont des endroits qu’on a choisis lorsqu’on a commencé à écrire le scénario. Ce n’était pas des endroits théoriques, abstraits. On savait dans quelles conditions vivaient ces gens. »

Daniela Thomas sur le scénario :
« Pour nous, il fallait qu’il y ait une structure assez dramatique dans le film. Il y a aussi une transition entre les différents personnages, non pas parce qu’ils se rencontrent mais parce que les histoires sont un peu comme des rivières avec des ruisseaux qui se jettent dedans. Les personnages ne se rencontrent pas mais leurs histoires sont entremêlées. Le film est conçu comme une corde tressée avec des histoires qui se croisent et se recroisent. Donc ce n’était pas la peine de séparer les différentes histoires en blocs. »

Walter Salles sur l’absence de figure paternelle dans le film :
« Récemment, il y a une statistique qui est tombée au Brésil et qui dit que le nombre de familles ou le père n’existe pas est de l’ordre de 25 à 28%. C’est statistiquement très impressionnant cette absence chronique du père dans les familles brésiliennes, et c’est un phénomène qui tend à se multiplier. Alors, le résultat, c’est qu’on voit des familles élevées par des mères courage qui sont donc père et mère à la fois et qui essaient de lutter. Elles représentent pour moi une espèce de résistance morale, c’est très marqué dans le film d’ailleurs. »