Séance Spéciale : « Chelsea On The Rocks » d’Abel Ferrara

Abel Ferrara est de retour au Festival de Cannes avec Chelsea On The Rocks, un documentaire projeté en Séance Spéciale. Le réalisateur américain est venu à plusieurs reprises sur la Croisette présenter ses films : Bad Lieutenant (1992) et R Xmas (2001) au Certain Regard, The Blackout (1997) et Go Go Tales (2007) en Hors Compétition, et Body Snatchers (1993) en Compétition.

Chelsea On The Rocks puise son énergie dans les individualités hors du commun qui ont habité ce bâtiment légendaire situé au cœur de New York. Edifié en 1883, ce vaste immeuble est le premier ensemble de logements coopératifs construit à Manhattan. Avec ses douze étages, il restera l’immeuble le plus haut de la ville jusqu’en 1902. C’est en 1905 qu’il est reconverti en hôtel comptant 250 chambres. Depuis lors, il était considéré comme un sanctuaire inviolable réservé aux écrivains, aux artistes, aux musiciens et à tous les esprits libres. Mais sa gestion a récemment été confiée à une société spécialisée dans les hôtels de luxe qui n’affiche que mépris pour son passé mythique.

Abel Ferrara raconte la genèse de son film : « J’ai dormi dans les meilleurs hôtels du monde, mais tous semblent quelconques à côté du Chelsea Hotel. Lorsque j’ai appris que mon amie Jen Gatien, la fille de l’imprésario new-yorkais de terrible réputation, voulait produire un documentaire sur l’hôtel, j’ai sauté sur l’occasion.

Jen logeait au Chelsea, au 7ème étage. Un beau jour, elle a appris que Stanley Bard, le gérant qui depuis 1946 avait fait la grandeur de Chelsea, allait être renvoyé et qu’on interdisait à son fils de reprendre le flambeau. Les rumeurs (qui balayaient les couloirs de Chelsea comme de véritables tornades) se multipliaient et on commençait à entendre dire que le Chelsea allait subir le triste destin de l’hôtel Château Marmont, à Hollywood, racheté en 1990 et reconverti en hôtel de luxe. Ces rumeurs étaient aussi extravagantes que tout ce qui était jamais sorti du Chelsea et certaines prédisaient que l’hôtel allait se transformer en centre commercial avec un Starbucks à la place du hall d’entrée. Nous nous sommes rapprochés du style de Michael Moore, tout en essayant de sortir des frontières du film documentaire en ajoutant des séquences fictionnelles inspirées par nos recherches. Le Chelsea est un haut lieu sulfureux de la littérature, Vladimir Nabokov, Tennessee Williams et Arthur Miller sont passés par là. Je me devais d’être à la hauteur et qui d’autre qu’un psychiatre/scénariste pouvait m’aider ? J’ai donc fait appel à Christ Zois. Vivant moi aussi dans ces murs ou plutôt, comme le dit un des locataires, dans ce maelstrom, je me suis inspiré de l’immense variété esthétique qui forme l’âme du Chelsea. J’ai fait appel aux acteurs que je connais bien, mais aussi à d’autres, dont la vie est inextricablement liée à celle de l’hôtel, comme Ethan Hawke, Adam Goldberg et Dennis Hopper. Images d’archives, entretiens, fiction, locataires, acteurs, tout se mélange et s’entremêle. Partir de la fiction pour arriver à la vérité. »