Elia Suleiman en conférence de presse pour « The Time That Remains »

Entretien avec les journalistes autour de "The Time That Remains"

A l’occasion de la présentation en Compétition de The Time That Remains, le réalisateur palestinien Elia Suleiman a répondu aux questions des journalistes. Extraits choisis.

Elia Suleiman sur la signification du titre :
"The Time That Remains a un rapport avec le récit du film mais aussi avec le récit de ce que nous vivons. C’est lié à cette histoire très personnelle qui est racontée dans le film. Il y a un sous-titre à ce titre, "Arabes-Israéliens", c’est en fait un terme politique qui désigne les Palestiniens vivant sur leurs propres terres mais qui sont considérés comme des absents. Donc les Palestiniens d’après 1948 vivent là, ils ont cette appellation très politique mais que moi, je réutilise, je réinvestis dans un sens plus personnel, mon état qui est d’être à la fois des leurs et d’être extérieur, d’être en décalage permanent, d’être toujours celui qui est en partance et qui maintenant est de retour. C’est la caractéristique du narrateur qui se trouve être joué par moi-même. Il ne s’agit pas en soi d’une perspective politique mais d’un regard très personnel que je porte sur la situation."

Elia Suleiman sur les pressions politiques :
"Etre Palestinien, c’est en soi un défi, parce qu’il s’agit d’échapper à cette catégorisation, à cette étiquette. Vous devez toujours vous démarquer de ce discours préétabli sur la Palestine, et arriver à faire un film qui ait une dimension universelle. Il s’agit de présenter une vérité qui se veut objective alors que l’histoire est toujours discutable. Ce qui m’intéresse, c’est d’offrir une image cinématographique, une chorégraphie, un son qui fasse émerger un plaisir, une émotion. Etre sous pression politique peut être salutaire, parce que ça vous permet d’être à la fois plus sincère, plus vrai dans votre travail et le regard que vous portez sur celui-ci. Ces contraintes ont parfois l’effet d’un sauna. Vous en bavez, vous suez, mais quand vous sortez de là, vous êtes en meilleure santé et vous proposez un travail de plus en plus juste."

Elia Suleiman sur le fait de ne pas avoir sous-titré les chansons :
"Il faut éviter de vouloir identifier ce film à une étude anthropologique. La musique au cinéma, ça évoque en vous quelque chose d’universel, et la langue du cinéma est universelle. Donc, pourquoi est-ce qu’on détruirait cette dimension universelle de la musique ? Quand vous utilisez une chanson, vous mettez toute votre foi, toute votre croyance en un auditeur, en l’occurrence un spectateur qui comprend tout, qui ressent tout même s’il n’a pas accès au contenu sémantique des mots. Si on veut comprendre le sens de ces chansons, on peut avoir recours à des amis, à des dictionnaires, à Internet. Je pense que ça aurait été une erreur grossière de traduire ces chansons, parce que là on aurait eu la tentation de chercher un contenu précis alors qu’il n’y a pas de contenu spécifique."

Elia Suleiman sur le cinéma de Jacques Tati :
"A mes débuts, je n’avais pas vu de films de Jacques Tati ou de Buster Keaton. Il se trouve que j’adore les films de Tati, mais il faut comprendre que dans ce monde immense où il y a tant de gens qui font des films, inévitablement il y a des artistes qui se trouvent avoir des sensibilités similaires. Et je dis ça sans aucune prétention. Il ne s’agit pas pour moi de me voir au niveau de Tati, mais je pense que c’est inévitable qu’il y ait des communautés de styles. C’est quelque chose que je perçois aussi en tant que spectateur. Personnellement, je ne peux pas dire que j’ai des influences précises, peut-être que Primo Levi m’a influencé plus que Tati sans être un réalisateur."

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