Quand « Un prophète » s’adresse aux journalistes

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Jacques Audiard devant les journalistes pour la présentation de "Un Prophète"

A l’occasion de la présentation en Compétition de Un Prophète, le réalisateur Jacques Audiard, les acteurs Tahar Rahim et Niels Arestrup, les scénaristes Thomas Bidegain, Nicolas Peufaillit et Abdel Raouf Dafri ainsi que les producteurs Pascal Caucheteux et Marco Cherqui ont répondu aux questions des journalistes. Extraits choisis.

Jacques Audiard sur son intérêt pour le milieu corse et le titre du film :
"Je n’ai pas voulu me lancer dans une analyse culturelle et sociologique du milieu corse. Ce qui m’intéressait, c’est qu’il s’agisse d’un milieu mafieux socialement constitué et très présent dans le milieu carcéral, les Corses restent en groupe. Il aurait tout aussi bien pu s’agir de Serbes ou de Basques. Ce qui m’intéressait vraiment, c’est qu’on traite d’une entité assez close, difficile à pénétrer. Mais nous restons quand même très légers sur le traitement du milieu corse. Et puis, il y avait aussi cette idée d’un milieu un peu vieillissant, dont les structures sont vermoulues, et qui doit faire face à l’émergence d’une nouvelle génération dépositaire d’une autre langue et d’autres manières. Dans le titre Un Prophète, on pense à une injonction religieuse, mais il y a aussi quelque chose d’ironique. "Le Prophète", c’est aussi celui qui annonce un autre type de criminel. Tahar incarne un criminel qui n’est pas forcément un psychopathe, mais un être intelligent et angélique. Il y a l’annonce de cette chose-là."

Tahar Rahim sur son approche du personnage :
"J’ai beaucoup travaillé à partir de documentaires et de films sur le milieu carcéral et les SDF, mais j’ai compris très vite qu’il ne fallait pas que je me base entièrement là-dessus. Il a fallu tout construire, partir de rien pour vraiment créer un personnage. Là était toute la difficulté. C’était un véritable travail de composition."

Jacques Audiard sur le réalisme de son film :
"Quand on aborde en France un film sur la prison, on doit faire face à deux obstacles, le premier, c’est le documentaire. Je ne voulais pas faire un film qui tende vers le fait de société, cet angle-là ne m’intéressait pas. Et l’autre obstacle, c’est l’influence de l’image de la prison véhiculée par les séries américaines. Là, on tombe dans des stéréotypes qui ne nous appartiennent pas. Et puis, en France, on a souvent en tête un modèle de prison façon José Giovanni. Mais ça n’était pas assez contemporain pour nous. Comme on ne pouvait pas tourner dans des prisons aujourd’hui en activité, on a dû construire un décor. Ca a été une étape très importante pour nous, car le film a commencé à apparaître avec le décor de Michel Barthélémy. A ce moment-là, on a vu une prison apparaître devant nous dans une zone industrielle de Gennevilliers. Ce n’était pas un décor constitué en studio, on a dû le fabriquer en dur. Et quand tous les matins vous allez en taule, et bien le réalisme il est là."

Niels Arestrup sur la maîtrise de la langue corse et l’approche de son personnage :
"La langue corse, c’était très loin de moi. Quand on s’est rencontré avec Jacques, je lui ai demandé s’il était sûr de vouloir me confier ce rôle compte tenu de mes origines. J’ai beaucoup travaillé avec un coach pendant plusieurs mois. Il ne fallait pas seulement que j’arrive à dire les mots, mais il fallait aussi faire sentir la musique de la langue, me sentir un peu plus libre par rapport à ça. Je me suis laissé diriger, accompagner, entraîner par Jacques Audiard avec qui j’avais eu la chance de travailler une première fois. Ca a été une expérience heureuse, difficile, dure, complexe, hésitante parfois, mais pour moi, ça reste une expérience extraordinaire en tant qu’interprète. C’est un immense directeur d’acteurs."

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