Rencontre avec les Résidents de la 21e session

La 21e session de la Résidence s’est ouverte le 1er octobre. Pendant 4 mois et demi, elle accueille six jeunes cinéastes venus du monde entier à Paris et leur offre les meilleures conditions pour les accompagner dans l’écriture de leur premier ou deuxième long métrage. Ce matin, pour en savoir un peu plus sur leurs parcours, nous sonnons à la porte du grand appartement haussmannien où ils sont logés dans le 9e arrondissement.

 

Shahrabanoo Sadat
Ronin Hsu
Oscar Ruiz Navia

Nous rencontrons Chika Anadu (Originaire du Nigeria), Fernando Guzzoni (Chili), Ronin Hsu (Chine), Oscar Ruiz Navia (Colombie), Ruben Mendoza (Colombie) et Shahrabanoo Sadat (Afghanistan). Ils ont connu la Résidence en surfant sur Internet (Chika), en repérant le logo de la Cinéfondation aux génériques de certains films comme La Niña Santa de Lucrecia Martel (Oscar), parce qu’ils étaient déjà passés par la Cinéfondation – Ruben a présenté The Fence à la Sélection de films d’écoles en 2005 et a participé à l’Atelier en 2008 ¬- , ou parce qu’ils avaient été repérés par Georges Goldenstern dans d’autres Festivals (Ronin).
Ce premier mois leur a permis de prendre leurs marques et de partager leurs expériences. Ils ont vu beaucoup de films, parfois jusqu’à quatre par jours. Certains ont déjà fait un séjour au Moulin d’Andé : Oscar est content, il pense y avoir trouvé des idées pour son long métrage et a commencé l’écriture. Ruben lui, cherche encore l’esprit de son film. Ronin et Shahrabanoo écrivent beaucoup, surtout la nuit.
A la question : Que vous apporte l’aspect international de ce programme ? Ils sont unanimes pour reconnaître à quel point le regard critique de l’autre est enrichissant quand il vient d’une autre culture et pour apprécier ces différences qui leur permettent de comparer leurs histoires et celles de leur pays. Pour preuve, ils ont inventé « les Soirées de la Critique de la Résidence » : pendant une semaine, tour à tour, ils ont organisé une soirée durant laquelle ils soumettaient leurs films aux autres Résidents et à des invités, tout en leur faisant découvrir la cuisine de leur pays…
 

Chika Anadu Ruben Mendoza Fernando Guzzoni

 

QUESTIONS SUR LA GENESE D’UN FILM

 

Comment naît une idée de film et comment devient-elle un scenario ?

Ruben : J’essaie toujours d’écrire une histoire comme si c’était de la littérature. J’aime les mots et surtout jouer avec. J’écris beaucoup, c’est presque devenu une « camisole de force » !

Oscar : Je suis venu ici avec un premier jet, et maintenant je travaille plus en profondeur sur la structure du film. Je joue avec les scènes, je les déplace, j’ajoute un personnage… mais je sais déjà qu’il me faudra être de retour en Colombie pour finir ce scénario-là…

Chika : Pour moi, une idée de film et son écriture me viennent d’abord d’images qui naissent dans mon esprit. Je suis très inspirée par le visuel. Je vois une image ou une scène dans ma tête et j’essaie de la compléter avec des personnages, ou des questions comme « Qui vit là ? » « A qui appartient ce téléphone ? ».

Shahrabanoo : Quand je suis arrivée ici, je n’avais pas un scénario complet mais plutôt une façon de le traiter. J’avais l’idée générale : un mélange entre un documentaire et une fiction. J’avais décidé de tourner le documentaire là-bas puis d’écrire la fiction ici, pour pouvoir mélanger les deux à la fin. Et puis j’ai eu une expérience difficile en Afghanistan : mon personnage, qui était un médecin, a été tué. Je n’ai pas pu continuer mon documentaire. Aujourd’hui, mon sujet est le même mais je dois tout réadapter.

Ronin : L’idée du scénario m’est venue il y a longtemps, je l’ai écrit pour un de mes amis qui est acteur…

Fernando : J’avais pour ma part presque fini la première version du scenario et je peux maintenant réécrire certaines parties dont je ne suis pas satisfait. J’en suis à ma troisième version et j’essaie de la finir.


Quand vous passez de l’écriture à la réalisation, que ressentez-vous ?

Oscar : Je ne crois pas, pour le cinéma que je fais, à l’écriture de dialogues très écrits… Parce que je travaille avec des acteurs non professionnels, donc j’écris plutôt les dialogues avec eux, au moment où je filme. Ce qu’il en sort dépend beaucoup de l’atmosphère de la scène. L’important est de conserver la spontanéité.

Chika : J’ai seulement réalisé deux courts métrages. J’essaie de travailler avec des personnes que je connais, dont j’estime le travail et dans lesquels j’ai confiance. Je sais ce que je veux, et je leur dis. Quand je pense à ce long métrage, cela m’effraie un peu car dans mon premier court, il n’y avait que deux acteurs et pas de dialogue. Dans le deuxième, j’étais la seule actrice, je savais donc exactement ce que je voulais… Dans celui-ci, il y a plus de personnages…

Ruben : Je suis toujours très excité avant de filmer, j’adore ça ! Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’est fou et magnifique de tourner dans mon pays ! Je travaille avec des acteurs non professionnels, je tiens moi-même la caméra. A mes yeux, le scénario est un objet de séduction vis-à-vis de l’équipe.

Shahrabanoo : C’est ma première expérience de long métrage. J’ai une idée en tête et je sais exactement ce que je veux montrer, ce que je veux dire dans mon film. Je n’aime pas avoir tout écrit parce que je sais que quand je rentrerai en Afghanistan pour tourner, je devrais sans doute changer pas mal de choses à mon histoire.

Fernando : J’aime beaucoup écrire mais quand je tourne, le film se nourrit aussi de sa propre vie, il y a beaucoup de spontanéité pendant un tournage. Je suis très concentré pendant la phase d’écriture mais ensuite je me laisse volontiers influencer par ce qu’il se passe ou par la carrière d’un acteur par exemple.

Ronin : Je souffre quand j’écris, mais j’aime souffrir ! J’aime cette période de mise en place du scénario. Et quand je commence à tourner je suis très excité. Pour moi, tout dépend de l’histoire. Parfois j’ai besoin d’un vrai scénario, parfois une ou deux pages suffisent et tout se fait pendant le tournage.

Quels sont les cinéastes ou les films qui vous inspirent ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire du cinéma ?

Chika : Il y a 4 ans, je ne savais pas encore que je voulais faire du cinéma. J’étudiais le droit, je voulais sauver le monde et travailler à l’ONU… J’ai toujours aimé les films. Et puis un jour, j’ai vu Cinema Paradiso. Ça a été comme une révélation. Ce n’est pas mon film préféré, il n’est même pas dans ma liste des vingt meilleurs films mais il transmet un tel amour du cinéma ! C’était merveilleux, une lumière s’est allumée dans ma tête et j’ai su que je devais devenir réalisatrice.

Fernando : Je ne sais pas exactement à quel moment j’ai eu la “révélation” mais il y a un certain nombre de réalisateurs qui m’inspirent et ils sont tous très différents, de Robert Bresson à Glauber Rocha. En fait tout dépend du projet sur lequel je travaille. En fonction du film que je suis en train de faire, je collecte des images en rapport avec mon sujet pour y puiser l’inspiration.

Oscar : Je crois que j’ai toujours voulu être réalisateur, ou au moins depuis le lycée. Mes premières références étaient Kubrick ou Woody Allen qui sont bien sûr de vraies références mais le cinéma est si vaste et si varié ! C’est l’un de mes professeurs qui m’a fait réaliser que j’avais tout à découvrir en cinéma. Et puis j’ai connu Tarkovski. Avant lui, je ne croyais pas en Dieu. Maintenant je crois au sacrifice !

Ruben : Il y a des réalisateurs qui comptent beaucoup pour moi mais comme comptent ma grand-mère ou mon père, par exemple. Parce que je pense que le cinéma est dans chaque chose. On peut écrire avec une caméra. Et puis j’ai eu certaines révélations comme Buñuel… On peut aussi faire de la poésie avec du cinéma…

Shahrabanoo : Je ne me souviens plus exactement quels films ou réalisateurs m’ont inspirée au début. J’aime de nombreux réalisateurs mais pour moi c’est un peu différent. Je vis dans un pays très spécial et le cinéma est avant tout le moyen d’exprimer nos problèmes et de changer le regard que les gens portent sur l’Afghanistan, qu’ils voient uniquement comme un pays de terrorisme et de guerre. C’est la situation politique particulière de mon pays qui m’a poussée à faire des films.

Ronin : Charlie Chaplin. C’est lui qui m’a donné envie de faire du cinéma. Quand j’ai découvert ses films pour la première fois il y a longtemps, je n’ai pas tout de suite compris l’importance qu’il aurait pour moi. Mais j’aime aussi beaucoup d’autres réalisateurs très différents : Kusturica, Jim Jarmush… Les réalisateurs que j’aime ne m’inspirent pas, ils m’influencent.

 

> Plus d’infos sur la 21e session.