Weerasethakul sur les rives du fleuve de la discorde

Apichatpong Weerasethakul © DR

Sa filmographie est courte mais son nom dépasse les frontières. Six longs métrages auront suffi à Apichatpong Weerasethakul pour affirmer un cinéma mystique, axé sur la mémoire et la réincarnation. Au fil de ses longs métrages, une vision critique de la société thaïlandaise se dessine, à l’instar de Mekong Hotel.

Le Mékong, frontière entre le Laos et la Thaïlande, sépare bien plus que deux pays à en croire Apichatpong Weerasethakul. Elle est le fossé entre deux cultures et deux nations, deux peuples qui peu à peu se font dos. « La rivière Mékong n’est plus un pont mais une barrière. Les préjugés sur les Laotiens se sont faits de plus en plus fréquents dans le centre de la Thaïlande et dans les médias » résume le réalisateur.

Au bord du Mékong, Apichatpong a placé une maison, témoin des tumultes et métamorphoses du cours d’eau. Tantôt sec et sourd, tantôt inondé et tonitruant, ce fleuve a inspiré au réalisateur la poésie naturelle et onirique dont s’imprègne sa filmographie.

 

Cette fois, l’histoire est celle d’Apichatpong lui-même, la fiction et le fantastique en plus. On y voit le réalisateur dans la maison au bord du Mékong. Il tourne Ecstasy Garden, un projet qu’il peine à accomplir depuis plusieurs années. Un film dans le film en somme. Et des vies dans une vie également : la réincarnation est un thème cher au réalisateur, notamment exploré dans Tropical Malady (Prix du Jury en 2004) et Oncle Boonmee (Palme d’Or en 2010)

Anecdotique pour certains, au cœur de la vie religieuse pour une grande majorité, la réincarnation fait partie intégrante de la vie des Thaïlandais. Quant à Apichatpong Weerasethakul, son opinion sur la question est toute faite : « Je ne sais pas si la réincarnation sera à l’avenir admise comme quelque chose appartenant au réel et que la science reconnaîtra, mais ce processus de faire revenir certains souvenirs, c’est indéniablement comme le cinéma.» A méditer, dans cette vie ou dans une autre.

TK

Mekong Hotel sera projeté en Séance Spéciale le vendredi 18 mai à 17 heures, Salle du Soixantième