SÉANCE SPÉCIALE – Ainsi va Le Monde

Yves Jeuland © Alain Birocheau

En 2012, Yves Jeuland a posé sa caméra au cœur du service politique du journal Le Monde. Durant trois mois, le réalisateur a filmé le travail haletant des journalistes engagés dans la couverture de la campagne des élections présidentielles. Les Gens du Monde raconte sa plongée particulière dans cette mythique fabrique française de l’information.

 

Photo du film © DR

Comment ce documentaire a-t-il vu le jour ?
Dans une interview où on l’interrogeait sur le documentaire A la Une du New York Times, Erik Izraelewicz, le directeur du « Monde », indiquait qu’il était prêt à ce qu’une caméra vienne filmer l’intimité du journal. Nous étions à six mois de l’élection présidentielle et Folamour Productions a saisi la balle au bond. Marie Genin et Damien Maura m’ont proposé de faire le film. J’ai accepté au bout d’une semaine car l’idée ne me quittait plus.

Qu’est-ce qui vous a convaincu à le réaliser ?
Quand on est réalisateur de documentaires, on a toujours envie de découvrir ce qui n’est pas donné à voir. Par ailleurs, Le Monde est un journal mythique qui fait partie de mon histoire familiale. C’est le journal que lisait mon grand-père, que lit toujours mon père et que je lisais enfant par dessus son épaule. Cela m’a d’autant plus motivé pour me lancer dans l’aventure.

Comment s’est déroulé le tournage ?
J’étais un peu comme la petite souris de Plantu ! Il fallait que ma présence soit la plus discrète possible. Je tournais en longue focale, à distance. Je garde d’ailleurs toujours une distance sur les tournages. En même temps, je suis très curieux par nature et là, c’est un milieu que je ne connaissais pas. Il ne me fallait donc trouver un équilibre. Et surtout ne pas perdre de temps car la campagne avait commencé. Je n’ai donc pas eu de période d’apprivoisement, de repérage.

La campagne présidentielle n’apparaît qu’en toile de fond…
Je ne voulais pas faire un film sur la campagne présidentielle. Elle n’est là qu’en contre-champs du travail des journalistes. L’intérêt de filmer pendant l’élection présidentielle, c’était d’avoir un moment où ils transpirent davantage dans leur travail. La campagne présidentielle, c’était aussi l’assurance qu’ils allaient oublier la caméra.

Quelle a été l’idée de départ ?
Je souhaitais voir comment fonctionne une fabrique de l’information. Contrairement à Le Président (2010) – documentaire sur Georges Frêche -, je me retrouvais face à un collectif. J’y suis donc allé petit à petit. Je repérais, j’observais. J’ai construit ma narration et trouvé mes « acteurs » au fur et à mesure. Les choix ne se sont pas faits en fonction de leur représentativité au sein de la rédaction.

Votre documentaire est donc un film sur les journalistes…
Complètement. C’est aussi pour cela qu’on a changé son titre. Le film devait s’appeler « Ainsi va Le Monde », mais on s’est rendu compte que « Les Gens du Monde » sonnait plus juste car c’est avant-tout un film sur des hommes et des femmes.

Qu’avez-vous appris sur le métier de journaliste ?
Que le rythme du travail peut être vertigineux. C’est un métier de l’immédiateté, encore plus qu’avant. Il faut alimenter les blogs, les « lives », les tweets… ça ne s’arrête jamais. Je cherchais ce rythme éreintant en choisissant de tourner pendant la présidentielle. J’ai été servi.

Quel rapport entretenez-vous avec le documentaire ?
Ce qui me plaît, c’est la rencontre, la découverte. Je tourne aussi des films d’archives et même dans le réel d’hier, c’est la rencontre qui m’intéresse. J’aime aussi raconter des histoires, bâtir un récit. N’oublions pas que le documentaire reste du cinéma. Mon but n’est jamais de traiter d’un sujet. Du documentaire découle une certaine liberté. On peut s’affranchir de contraintes, chronologiques notamment, et tricher sans trahir.

Propos recueillis par Benoit Pavan

 

 

SÉANCE


Mardi 20 mai / Salle Buñuel / 20h

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