UN CERTAIN REGARD – An, rendez-vous avec Naomi Kawase
Gérant d’une boutique de galettes traditionnelles japonaises – les Dorayakis -, Sentaro voit un jour s’approcher Tokue, une septuagénaire à la recherche d’un emploi. Il décide de l’embaucher après avoir goûté à sa délicieuse pâte à base de haricots. Succédant au somptueux Still The Water, présenté en Compétition en 2014, An est la première adaptation de la cinéaste, qui a porté à l’écran un livre de Tetsuya Akikawa.
Photo du film © DR
Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre film ?
L’auteur du roman original, Tetsuya Akikawa, m’a sollicité pour que je l’adapte au cinéma et l’actrice Kirin Kiki a volontiers accepté d’interpréter le rôle principal. À ce moment-là, il n’y avait encore aucun investisseur engagé sur le film. Un jour, alors que nous étions toutes les trois au columbarium d’une maison de cure pour les lépreux, nous avons assisté à un extraordinaire coucher de soleil. Puis, dans le ciel, la lune est apparue. Ce fut un véritable moment de cinéma. C’est ce soir-là que le film est né.
Comment était l’atmosphère sur le tournage ?
Lors des tournages, j’accorde beaucoup d’importance au réalisme. J’ai donc demandé aux acteurs de vivre réellement la vie des personnages qu’ils incarnent. Par exemple, j’ai demandé à Masatoshi Nagase, qui interprète le rôle de Sentaro, de vivre l’expérience du gérant de la pâtisserie Doraharu et de vendre lui-même ses gâteaux dorayaki aux vrais clients qui venaient les acheter. Kyara Uchida, qui tient le rôle de Wakana, a accepté de vivre dans un HLM pendant le temps du tournage. Quant à Kirin Kiki, qui incarne Tokue, elle a appris à faire du an, la fameuse pâte de haricots rouges, jusqu’à ce qu’elle éprouve l’enthousiasme et la passion d’une vraie chef-patissière. C’est ainsi qu’est née l’authenticité des personnages créés. L’équipe technique a tout fait pour ne pas se comporter comme sur un tournage. Je lui faisais simplement signe pour qu’elle sache à quel moment filmer, sans dire: « Moteur, ça tourne. » C’est pourquoi, tout au long du tournage, les acteurs jouent sans savoir quand la caméra tourne réellement.
Quelques mots sur vos interprètes ?
Masatoshi Nagase a interprété le rôle principal dans Mystery Train de Jim Jarmush en 1989. Récemment, il a joué dans Kano, un film taïwanais qui a connu un immense succès à Taiwan.
Quelles ont été vos sources d’influence ?
An est une adaptation d’un roman original. C’est la première fois que je réalise une adaptation. Dès sa lecture, j’ai été convaincue qu’il fallait en faire un film. Croire à l’existence de « l’invisible », puis se mettre face à son silence : c’est l’évolution de cet invisible silencieux que j’ai voulu montrer à travers ce film. Il évoque les regrets d’une vie, l’auto-destruction liée au désespoir, l’angoisse de se sentir inutile dans ce monde… c’est malgré cela, ou peut-être à cause de cela, qu’on place tant d’espoir en l’avenir. J’ai tendance à penser qu’une porte s’ouvre sur un monde où règnent l’affection et la tendresse si on y croit.
Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ?
Je voudrais adapter une pièce de théâtre, une histoire de double-suicide, écrite par Chikamatsu Monzaemon, né il y a 362 ans, qui est à la fois acteur de kabuki et dramaturge de joruri, forme littéraire de récital utilisée dans le théâtre des marionnettes.
SÉANCES
Jeudi 14 mai / Salle Debussy / 11h00 – 19h15
>> Accédez à l’agenda interactif