La Forêt de Quinconces de Grégoire Leprince-Ringuet

Photo du film La Forêt de Quinconces © Alfama

Premier film et première Sélection en tant que réalisateur pour la valeur montante du cinéma français, Grégoire Leprince-Ringuet, déjà en Sélection sous sa casquette d’acteur en 2010. La Forêt de Quinconces est présenté en Séance Spéciale : un titre annonciateur d’une œuvre moderne et poétique, sur fond de triangle amoureux. 

Vous vous illustrez au théâtre, au cinéma, à la télévision, vous êtes chanteur et maintenant vous passez derrière la caméra. Comment passe t-on d’acteur à metteur en scène ? 
Quand j’ai tourné dans Les Egarés de Téchiné, j’avais 14 ans et je voulais déjà être celui qui dit « Action ! ». Ça s’est confirmé plus tard, quand j’ai vu travailler d’autres grands cinéastes comme Honoré, Tavernier ou Guédiguian. Ce qui était nécessaire pour passer au long métrage, c’était d’avoir une légitimité d’auteur. Je ne voulais pas écrire pour me donner un rôle. Il fallait que j’aie une histoire à raconter, un style à défendre. C’est venu en écrivant de la poésie. La versification m’a donné cette légitimité à mes propres yeux.

Vous êtes féru de grands classiques que vous interprétez souvent au théâtre, quelles sont les références poétiques de votre film ?
Le souci de la couleur et du rythme dans la signification des phrases, voilà ce qu’est pour moi la poésie, l’esthétique du langage. Paul Valéry est mon poète préféré. Concernant les références poétiques du film, il y a bien sûr Baudelaire et cette façon sublime d’écrire des poèmes qui se passent dans la rue, mais aussi évidemment Racine pour les scènes en alexandrins. Je mentionnerais Aragon et Supervielle pour certains passages en octosyllabes.
 

Quand j’ai tourné dans Les Egarés de Téchiné, j’avais 14 ans et je voulais déjà être celui qui dit « Action ! ». Grégoire Le Prince

Racontez-nous la genèse de votre film, dont vous êtes aussi l’interprète.
Au tout départ, le scénario est né d’une suite de six ou sept poèmes que j’avais écrits il y a longtemps. Des poèmes sentimentaux, mais avec aussi des choses plus oniriques. En les rangeant dans un certain ordre, avec l’idée de les réunir dans un recueil, je me suis aperçu qu’il y avait un fil dramatique, une narration qui s’ébauchait. J’ai étoffé le récit, les personnages se sont dessinés petit à petit. Epreuve après épreuve, c’est devenu un long métrage.

Quel type de difficultés avez-vous dû contourner pendant le tournage, une anecdote peut-être ? 
Le tournage s’est fait en plusieurs fois pour des questions de budget, mais ça a été une très bonne chose. Ces contraintes ont été très bénéfiques car j’ai pu travailler les scènes entre les sessions, et donc me préparer encore mieux. Une anecdote : la dernière scène du film a été tournée en nuit américaine, c’est à dire de jour avec un filtre sur la caméra pour faire croire à la nuit. Ainsi, quand le personnage s’adresse à la lune, astre froid et changeant, l’acteur à ce moment regarde le soleil ! 

Comment avez-vous abordé le jeu avec vos partenaires de casting ?
Je dois dire que c’est confortable d’être acteur dans son propre film, car on est en prise directe avec la mise en scène, au cœur de l’action. Et puis toute l’équipe voit que vous prenez un risque alors ils sont solidaires. Les autres acteurs, comme Pauline Caupenne ou Amandine Truffy, me dirigeaient en même temps que je les dirigeais. À la fin d’une prise, je disais ce que je pensais d’eux, mais je leur demandais aussi ce qu’ils pensaient de moi. Ça responsabilise les acteurs, une confiance s’instaure, et ça tire tout le monde vers le haut.