Wrong Elements : mi bourreaux, mi victimes, les laissés pour compte de l’Ouganda

Photo du film Wrong Elements © 2015 Marine Gautier

Jonathan Littell est une plume. Dans ses reportages, dans ses romans, il plonge son lecteur dans un monde où tout ne tourne pas toujours rond. Après la Géorgie, le Soudan, la Syrie et tant d’autres destinations, il met cette fois le cap sur l’Ouganda et laisse les pages papier de côté. Il s’essaie au documentaire avec Wrong Elements, présenté en Séance Spéciale, en lice pour la Caméra d’Or.

C’est un fléau majeur dans l’histoire de l’Ouganda. La LRA, Armée de Résistance du Seigneur. A l’origine, Joseph Kony, un insurgé acholi, prétendu guérisseur, monte son mouvement rebelle contre le pouvoir central. Pour grossir ses rangs, la LRA enlève des enfants, plus de 60 000 en 25 ans, pour en faire des guerriers. Aujourd’hui, la LRA sévit toujours mais a perdu en influence et Joseph Kony est l’homme le plus recherché d’Afrique. Restent des jeunes adultes arrachés à l’enfance et désormais laissés pour compte.

Mi bourreaux, mi victimes, ils doivent maintenant se reconstruire. Jonathan Littell est allé à la rencontre de Geofrey, Nighty et Mike, enlevés à 12 ou 13 ans, enrôlés, devenus criminels puis abandonnés. Pour raconter cette crise et les interrogations qui l’accompagnent, l’écrivain se fait réalisateur.

« Ces réponses viennent avec tous les moyens qu’offrent l’image en mouvement et le son : non seulement la parole, forcément limitée, mais les gestes, les intonations, les hésitations, les regards. »

La faute, la culpabilité, le déracinement, Wrong Elements explore les conflits intérieurs de soldats enrôlés malgré eux. En filigrane, le film éclaire des questionnements laissés chez les enfants des régimes nazi, stalinien et maoïste, il anticipe également les préoccupations qui seront celles des générations de Daech.