Événement : le Festival de Cannes rend hommage à Abbas Kiarostami

Photo du film 24 Frames © DR

Presqu’un an qu’Abbas Kiarostami a quitté ce monde. Il aura su le marquer d’une empreinte indélébile, en repoussant toujours plus loin les limites d’un cinéma poétique, innovant jusqu’à la fin. Abbas Kiarostami laisse derrière lui un film inédit, 24 Frames, dont chaque fragment est inspiré d’une photographie. Ce film est projeté lors d’une séance événement, accompagné par une délégation iranienne. Le fils du regretté cinéaste, Ahmad Kiarostami, sera dans la salle. Nous l’avons rencontré.

Comment était-ce de vivre Cannes aux côtés de votre père ?

Les projections étaient toujours un moment éprouvant pour mon père. Quand quelqu’un sortait ne serait-ce que pour aller aux toilettes, ou ne riait pas assez fort, ça le rendait anxieux. Je suis venu pour la première fois avec lui pour Copie Conforme. C’était la première fois que je voyais un film sur un si grand écran. Le public a très bien réagi et je me souviens que mon père était content. Quelques jours plus tôt, c’était difficile de lui parler. 

Cette fois, c’est vous qui présentez un film de votre père au Festival. Comment vous sentez-vous ?

C’est un poids qui pèse lourd sur mes épaules. Ce film n’est pas le mien. J’ai travaillé sur la postproduction ces cinq derniers mois. Il fallait faire des ajustements, en essayant de se débarrasser de notre vision du projet. Il fallait se demander ce que mon père en pensait, ce qu’il aurait changé. Je suis très inquiet. Je comprends maintenant pourquoi je ne pouvais pas parler à mon père la veille d’une projection !

Pouvez-vous décrire cet objet qu’est 24 Frames ?

Mon père disait : « Quand on regarde un tableau, on ne voit que la scène que le peintre a dessiné. Mais il s’est passé des choses avant et après. » Il a décidé de créer des films de quatre minutes qui montrait ce qui se passe avant et après.

Il disait souvent qu’il aimait davantage la photographie parce qu’il n’avait pas à raconter d’histoires. 24 Frames est le point d’intersection entre ses photographies, ses films et sa poésie. Je vois ce film comme un livre de poésie qu’on ouvrirait quand on veut, à n’importe quelle page pour n’en lire qu’un passage. Là, ce sont vingt-quatre films. Quand vous voyez 24 Frames, ce n’est pas un film mais une installation/film/photo… Ce qu’il a fait de plus proche, je pense que c’est son film Five. Mais à un niveau supérieur.

Votre père a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du cinéma. Il a pu transmettre sa passion du cinéma à de nombreux jeunes cinéastes, comme Anahita Ghazvinizadeh, qui présente un film en Séance Spéciale cette année…

J’adore Anahita, j’ai hâte de voir son film, They. Quand mon père est tombé malade, j’ai reçu plein de messages vidéo de ses anciens étudiants qui lui souhaitaient un bon rétablissement. J’ai pu voir à quel point mon père a bouleversé la vie de ces gens. Non par rapport à leur métier mais davantage dans leur vision du monde. Quand on parle aux personnes qui ont suivi les cours de mon père, ils parlent de la manière dont ils ont appris à regarder le monde, pas seulement le cinéma.