Western, rendez-vous avec Valeska Grisebach

Photo du film Western © Alexandra BAS

Adepte des tournages collaboratifs, ouverts à l’improvisation, la cinéaste allemande Valeska Grisebach s’approprie les codes du western dans ce troisième long métrage qui aborde les thématiques de la différence culturelle et de l’accueil de l’étranger. Western narre les tensions entre un groupe d’ouvriers allemands, engagés sur un chantier pénible en Bulgarie, et les habitants d’un village voisin.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire ce film ?

J'ai grandi dans le Berlin-Est des années 1970, scotchée devant mon poste de télévision, à regarder des westerns. Cela faisait un moment que j'éprouvais l'envie de retrouver ce genre qui m'a captivé. Je voulais renouer avec ses héros seuls et mélancoliques, sa mythologie du mâle. J'ai été heureuse de constater combien ce genre est moderne et habile à décrire l'évolution de notre société, en dépit des éléments si conservateurs qui le constituent. J'ai été intéressée par l’intimité des duels, que je compare à une sorte de coup de foudre à l'envers.

Quelle est votre méthode de travail ?

Je n'ai jamais une histoire en tête lorsque je débute un film. En revanche, j'ai toujours un sujet fort qui guide mes recherches et mes associations d'idées. J'aime me servir de ce guide comme d'une base que je peux ensuite modeler avec les acteurs, qui s'impliquent alors dans le processus. Nous découvrons parfois ensemble de quoi le film est fait et occasionnellement, que tout va à l'opposer de l'idée de départ. C'est très excitant pour moi de confronter de façon continuelle fiction et réalité. Je suis nerveuse lorsque tout est parfaitement programmé.

Quelques mots sur vos acteurs ?

Aucun n'est professionnel. Ils ont tous un métier ! J'ai rencontré Meinhard Neumann, l'acteur principal, sur un marché de chevaux à Brandebourg. J'ai immédiatement su que je voudrais faire un film avec lui. J'ai ressenti le même genre d'affinités immédiates avec les autres acteurs. Tous se sont rencontrés régulièrement par la suite pour apprendre à se connaître. C'est de cette manière que avons su si nous pouvions faire un film ensemble, et surtout comment. Le processus du casting et des auditions a été long.

Qu'avez-vous appris durant la réalisation de Western ?

J'ai beaucoup aimé tourner en Bulgarie. La façon de travailler des équipes sur place épousait mon approche spontanée. Ils sont habitués aux changements de dernière minute et à s'y adapter. Ils avaient d'ailleurs tendance à s'irriter des plannings un peu trop longs et calibrés. Leur talent pour l’improvisation m’a confortée dans notre capacité à boucler le film quels que soient les aléas. Pour moi, tourner dans un pays étranger a été un exercice très positif de lâcher prise.

Qu'est-ce qui inspire votre travail ?

J'aime raconter cette anecdote de Milos Forman, qui à l’occasion de son premier long métrage, Black Peter, a retiré le script du film des mains de ses acteurs juste avant le tournage. Cela encouragé à communiquer oralement avec mes acteurs sur les scènes et les dialogues. Je recherche volontairement ce flou, cette imperfection, mais aussi ce décalage entre les intentions et les actes. Pour Western, c’est le cinéma de Michelangelo Antonioni qui m’a beaucoup inspiré. Sa vision de l'architecture et la mécanique de ses films… Mais plus que tout, ce sont les acteurs qui créent le bénéfice de la réalisation d'un film.