Gräns, le regard d’Ali Abbasi

Gräns - photo du film © FDC

 

Ali Abbasi aiguise la curiosité. Ce réalisateur danois d’origine iranienne a fait sensation avec Shelley, son premier long métrage, drame d’horreur remarqué à la Berlinale 2016. Pour son deuxième film, le réalisateur a trouvé l’inspiration dans la Suède voisine et dans sa littérature. Ainsi il adapte Gräns (Border), une nouvelle de John Ajvide Lindqvist.

Racontez-nous la genèse de votre film.

J’ai vu le film Let the Right One In, et après ça, j’ai lu le livre de John Ajvide Lindqvist. Let the Right One In a été une vraie découverte, le film a inventé quelque chose de nouveau, le genre du réalisme nordique. J’avoue que la Suède était le dernier endroit où je m’attendais à voir émerger un genre cinématographique innovant. Je me suis plongé plus en profondeur dans les écrits de John et cela m’a mené à « Border. » Après l’avoir lu, j’ai su qu’il y avait quelque chose d’intéressant à faire. Bien qu’en même temps je réalise à quel point il serait délicat de le porter sur grand écran.

Quelques mots sur Eva Melander qui interprète le rôle titre ?

Pour Eva, j’ai vraiment eu beaucoup de chance. J’étais inquiet à l’idée que ce personnage soit trop passif et ce n’est pas vraiment dans mon tempérament de faire quelque chose d’un personnage passif. Habituellement, je m’intéresse davantage aux personnages excentriques qui font des choses folles. Mais Eva a élargi le spectre du personnage de 800 %. En fait, je m’étais dit au départ que Tina ne devrait pas beaucoup parler, mais alors, comment aurait-on pu la cerner ?

Eva est bien plus expressive avec un large masque en silicone que bien des personnes qui n’en portent pas. Elle exprime des petites choses qui font une grande différence avec toutes sortes de reniflements par exemple. Il y avait le reniflement de colère, le reniflement triste… Eva est extrêmement méticuleuse. Elle travaille comme un ingénieur, avec une approche presque scientifique de ses sentiments et de sa performance.

Qu’avez-vous appris durant la réalisation de ce film ?

J’étais très inquiet à l’idée d’écrire une histoire trop enracinée dans la société et le folklore suédois, et en même temps, de potentiellement passer à côté de quelque chose, n’étant pas originaire de Suède. Mais comme j’ai travaillé à traduire certains aspects de la mythologie pour le récit et échangé avec différentes personnes, j’ai vite réalisé que mon point de vue étranger pouvait être un avantage.

Vos sources d’influence ?

J’adore Luis Buñuel et j’ai même appelé mon fils Luis, comme lui ! Chantal Ackerman est une autre grande source d’inspiration. Mon premier court métrage lui rendait hommage. J’apprécie la manière dont elle porte la banalité de la vie à un niveau d’absurdité et de surréalisme. Fellini est également l’un des maîtres que j’admire et qui peut, de mon point de vue, être considéré comme le Wagner du cinéma qui a su imbriquer différents genres et faire que ça marche.