In My Room, le regard d’Ulrich Köhler

Photo du film In My Room © DR

Ulrich Köhler fait partie des grands cinéastes de la talentueuse École de Berlin, au même titre que sa partenaire, Maren Ade, remarquée en Compétition avec Toni Erdman en 2016. Le réalisateur présente son quatrième long métrage à Un Certain Regard, In My Room, l’histoire d’un homme qui un jour se réveille et se retrouve seul, dans un monde déserté de toute trace de vie humaine.

Comment vous est venue l’idée du film In My Room ?

L’idée m’est venue en lisant, pas en voyant des films. « The Wall » de Marlen Haushofer, « Schwarze Spiegel » d’Arno Schmidt’s et « Wittgenstein’s Mistress » de David Markson. Dans ces textes, l’absence des autres permet de voir des humains isolés et libérés des contraintes sociales. In My Room est le récit d’un naufragé. Il entraîne des fantasmes enfantins dans sa vie en autosuffisance dans la nature.

Le titre du film fait référence à la chanson des Beach Boys…

La chanson dit « Now it’s dark and I’m alone, but I won’t be afraid, in my room. » Pour moi, Armin est déjà un Crusoé. Avant même que l’humanité ne disparaisse, il s’est retiré, a fermé la porte et ne laisse personne entrer. Kirsi est semblable à Armin au début du film. Déçue par la vie bourgeoise, elle est devenue nomade.

Une inversion des genres par rapport aux rôles traditionnels ?

Oui, elle est agitée, une chasseuse, alors que lui est sédentaire, un fermier qui veut fonder une famille et créer un nouveau monde. Elle ne croit pas au futur et veut expérimenter dans le temps qu’il reste. Armin ne prend pas ça au sérieux. Ils n’arrivent pas à réconcilier leurs visions des choses. L’amour romantique est un concept symbiotique et ne nous prépare pas particulièrement bien à faire des compromis dans la vie quotidienne.

A-t-on besoin de savoir ce qui s’est passé la nuit où le genre humain a disparu ?

Non. La disparition est un postulat qui renforce l’intériorité des personnages. Contrairement  au cinéma d’anticipation, ce film ne lance pas l’alerte sur des aberrations indésirables à venir. Le monde déserté est un concept expérimental qui pose la question de la libération des contraintes sociales et de la possibilité d’un nouveau départ.

Comment s’est passé le travail avec les animaux ?

Ils ne sont pas plus compliqués que les humains. La jument d’Armin, par exemple, est restée calme, elle venait d’une ferme du coin. D’ailleurs, son propriétaire joue le chasseur dans la première partie du film. Cela dit, la jument détestait les chèvres et elle n’aimait pas son étable car les chèvres y ont été logées un temps. L’odeur l’insupportait et elle voulait tout casser. Moi, de mon côté, j’ai fini par vraiment apprécier les chèvres. Elles sont intelligentes, curieuses et on peut toujours négocier avec elles en échange de quelques bonne branches de hêtres.

Comment avez-vous trouvé Elena Radonicich pour le rôle de Kirsi ?

Nous l’avons cherchée très longtemps. C’est la première candidate que j’aurais pu imaginer avoir vécu seule pendant cinq ans. Son autonomie est étonnante.