Le jour où la censure a frappé Jacques Rivette

Photo du film La Religieuse © DR

En 1966, La Religieuse, le deuxième film de Jacques Rivette, était interdit de sortie par le ministère de l’Information suite à une levée de boucliers de la communauté catholique. Adapté d’un roman éponyme de Diderot, le long métrage est présenté en version restaurée à Cannes Classics en présence de son actrice Anna Karina. Il met en scène une jeune fille envoyée de force dans un couvent.

Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, le titre original du long métrage, suscite l’émoi avant même sa sortie sur les écrans. Nous sommes en 1965 et l’annonce du tournage déchaine déjà la colère des autorités religieuses, qui tentent de l’empêcher. Des lettres pointant le caractère blasphématoire du film affluent sur le bureau d’Alain Peyrefitte, le ministre de l’Information. Très vite, les portes des couvents et des églises se referment, contraignant l’équipe du film de se réfugier à Villeneuve-lès-Avignon pour l’achever.

La Religieuse est inspiré du roman de Denis Diderot publié à titre posthume en 1796. Anna Karina y interprète Suzanne, une jeune femme cloîtrée par ses parents contre son gré et qui refuse de prononcer ses vœux.

Craignant des troubles à l’ordre public, le secrétaire d’état à l’Information interdit le film le 31 mars 1966. Jacques Rivette se défend alors d’avoir réalisé un film qui attaque la religion. « Il met juste en cause les fondements de la vie monastique dans des termes extrêmement nobles, de réflexion », explique-t-il.

L’affaire fait la Une des journaux et la censure du film provoque un tollé dans le milieu artistique. « On se faisait traiter de tous les noms chaque jour », a raconté Anna Karina. Dans une lettre virulente adressée à André Malraux, le ministre de la Culture, Jean-Luc Godard défend vigoureusement l’œuvre de celui qui fut le directeur des Cahiers du Cinéma entre 1963 et 1965. Malgré la censure, le film est projeté en Compétition au Festival de Cannes un mois plus tard.

La Religieuse sort finalement sur les écrans en juillet 1967, assorti d’une interdiction aux moins de 18 ans qui sera levée définitivement en novembre 1988.