Yomeddine, le combat des lépreux d’Égypte contre l’indifférence

Photo du film Yomeddine © DR

Le cinéaste égyptien Abu Bakr Shawky questionne l'injuste marginalisation des lépreux de son pays dans Yomeddine, un road-movie tragicomique nourri d'histoires vraies, qui conte l'odyssée d'un malade sur les traces de son passé. Le film concourt pour la Caméra d’Or.

La bactérie a figé sur son visage et sur son corps des stigmates que la société égyptienne préfère cacher. Enfant, Beshay (Rady Gamal) a été déposé par son père dans une communauté de lépreux vivant à la marge, avec la promesse d'un retour prochain parmi les siens. Mais les années ont passé et, à la mort de son épouse, cet homme illettré, guéri de la maladie, a décidé de retrouver sa famille. Avec l'espoir de comprendre pourquoi, comme tant d'autres malades de la lèpre, il a été abandonné.

Dans son périple initiatique à dos d'âne vers Qena, ville du sud de l’Égypte où il est né, il est épaulé par le jeune Obama (Ahmed Abdelhafiz), un orphelin originaire de la Nubie qu'il a enrôlé comme apprenti. Le duo découvre sur sa route l'âpreté d'un monde dont il a jusqu'alors été tenu à l'écart.

Passé par le documentaire et les clips publicitaires, Abu Bakr Shawky s'empare pour son premier long métrage d'un des tabous de la société égyptienne. Tourné entre Le Caire et la frontière soudanaise, sur les terres reculées qui longent le Nil, Yomeddine appuie son authenticité sur un canevas de portraits réalisés par le cinéaste dans la léproserie d'Abu Zaabal pour son premier film : The Colony, un court-métrage documentaire achevé en 2008.

Au cours de ses échanges avec les habitants, Abu Bakr Shawky est saisi par l'humilité et l'humour dont font preuve ces « exclus » ayant, pour la plupart, le point commun d'avoir été délaissés par leurs proches. Le réalisateur décide d'entremêler leurs récits pour bâtir le scénario d'une fiction. « Je me suis rendu compte que la lèpre constituait davantage un problème social que médical », souligne Abu Bakr Shawky, qui a confié les rôles-titres de son film à deux acteurs amateurs.

Pour préparer ce feel good movie, le réalisateur a bouclé un voyage chahuté de deux semaines à travers l’Égypte, imitant ainsi le périple de son duo de personnages en quête d'humanité.