Belle : l’interview de Mamoru Hosoda

Photo du film Belle © 2021 STUDIO CHIZU

 

Cannes Première fait place à l’une des plus grandes voix du cinéma d’animation en invitant Mamoru Hosoda. Avec Belle, son dernier film, le réalisateur poursuit sa réflexion sur l’impact du numérique sur les jeunes générations à travers l’histoire de Suzu, adolescente des montagnes dans la vie réelle, rockstar adulée dans le monde virtuel de « U ».

Comment vous est venue l’idée de ce film qui montre ce que le numérique a de meilleur et de pire ?

Ma fille a 5 ans, j’ai beaucoup pensé à son avenir en faisant ce film. Quand je suis né, le monde digital n’était pas du tout celui d’aujourd’hui. J’ai imaginé ce qu’il sera quand ma fille et sa génération qui est née avec Internet auront grandi. 

C’est une préoccupation récurrente dans votre travail de cinéaste.

Quand on observe les films autour de ce sujet, on le décrit comme une dystopie, forcément négative. Moi, je traite ce thème depuis vingt ans, avec Digimon en 1999 puis Summer Wars en 2009 et désormais dans Belle. Je pense que je suis le seul réalisateur au monde à continuer à le traiter de manière constante et positive. Pour nous, les adultes, Internet peut poser des problèmes, on peut y porter un regard négatif, mais je voudrais que ça change pour les générations futures. De toute façon, c’est un outil dont on ne peut plus se passer, il faut que ça nous soit bénéfique.

Le titre et les personnages rappellent La Belle et la Bête. Vous aviez d’autres références en tête ?

La Belle et la Bête a été ma plus grande inspiration. Mais il existe dans le monde de nombreuses histoires qui lui ressemblent. Au Japon par exemple, c’est une nouvelle qui s’appelle Histoire du poète qui fut changé en tigre, d’Atsushi Nakajima. C’est l’histoire d'un homme pris de jalousie qui se transforme en tigre. Un ami lui rend visite et lui récite des poèmes. J’ai été inspiré par ce type de contes et par les histoires dans lesquelles les personnages se transforment en animaux pour exprimer la grande tristesse de l’humanité.

Quelques mots sur votre studio d’animation, Chizu. Est-ce une manière de garantir votre indépendance sans faille ?

J’ai en effet cofondé ce studio pour faire des films de manière indépendante. Depuis que je l’ai créé, je n’ai jamais fait de film de commande. Pour moi, le plus important, c’est d’être à l’initiative de mes films et de leurs sujets, ceux qui me paraissent nécessaires dans notre monde.

Votre sélection à Cannes Première met le film d’animation en valeur au Festival de Cannes. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Il y en a peu à Cannes mais la question n’est pas là. Fictions, documentaires, images de synthèse, je ne catégorise pas les genres. L’animation n’est qu’un moyen de faire du cinéma. Il y a encore des idées reçues sur l’animation, certains la sous-estiment. Mais dans l’histoire des Beaux-arts, dans les peintures religieuses et encore avant, le dessin était là, bien avant le cinéma. L’animation existait en quelque sorte avant la prise de vue réelle. Je considère mon film comme les autres présentés ici et c’est le contenu qui prime.