Delo, le regard d’Aleksey German JR

Photo du film Delo (A résidence) © METRAFILMS LLC, KINOPRIME FOUNDATION

 

Pour sa première apparition à Cannes, dans le cadre d’Un Certain Regard, le cinéaste et scénariste russe Aleksey German JR raconte dans Delo (À résidence) la solitude d’un professeur d’université assigné à résidence après avoir accusé le maire de corruption sur les réseaux sociaux. Un film coup de poing tourné en pleine pandémie, qui évoque l’enfermement et la privation de liberté.

Quelle a été l’inspiration première pour ce film ?

Avec Maria Ogneva, on a écrit le scénario bien avant la pandémie. J’ai toujours voulu tourner un drame judiciaire. Un jour, je me suis dit : « Qu’advient-il d’un prévenu hors du tribunal ? ». M’est venue l’idée de l’enfermement d’une personne assignée à résidence. Elle ne peut pas sortir et doit se retourner sur sa vie : c’est une nouvelle dimension. L’isolement, difficile, funeste et accablant, remet à zéro les compteurs de la personne, du monde qui l’entoure, de ses amis.

 

Quelle est votre méthode de travail ? Comment s’est déroulé le tournage ?

On commence à travailler de concert avec mon épouse : d’abord elle s’imprègne de l’atmosphère de l’histoire, pour ensuite créer un monde en partant de zéro. Elle cogite longtemps et soudain, un décor surgit. Elle cherche l’image que doit renvoyer le plateau. Quand on s’attelle au tournage, on prend les scènes écrites et, la plupart du temps, on les transforme complètement, on les réinterprète, on traque le faux. Par le biais des répétitions, on se débarrasse du superflu et on improvise beaucoup. L’acteur doit plonger en lui-même pour aller chercher son bonheur ou son malheur, son confort ou son inconfort et faire en sorte que la peine du protagoniste devienne la sienne. C’est un processus difficile pour les acteurs, mais il me semblait que, dans ce drame de l’enfermement, les peines mutuelles permettraient d’atteindre la vérité.

Un mot à propos de vos acteurs ?

J’essaie d’être le plus sincère possible avec eux. On répète beaucoup et je fais pas mal de prises. Parfois, c’est eux qui ne se trouvent pas justes, parfois c’est moi ; parfois aussi on trouve que les dialogues sont trop littéraires ou qu’une séquence manque d’émotion. Disons qu’on fait ensemble notre broderie. J’essaie toujours de faire en sorte que ce soit un travail commun, pour qu’on cherche ensemble la vérité, même si ça peut être douloureux.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir cinéaste ? Quelles étaient vos sources d’inspiration ?

Je suis devenu metteur en scène par hasard. Je voulais être critique de théâtre ou scénariste. J’ai toujours trouvé les mots, le papier, plus intéressants que la mise en scène.

Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ?

J’ai repris le tournage d’un autre film, L’Air, sur les premières aviatrices soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale, que nous avions dû interrompre à cause de la pandémie. C’est un projet compliqué, difficile à tourner en Russie. Nous avons de grandes ambitions mondiales mais le budget est relativement modeste. Il faut tout faire de zéro, tout construire…