La Panthère des Neiges, éloge de la beauté du monde

Photo du film La panthère des neiges © Vincent Munier

 

Au cœur des hauts plateaux tibétains, le photographe Vincent Munier entraîne l’écrivain Sylvain Tesson dans une quête féérique, celle de la panthère des neiges. Au cours de ces deux mois de voyage hypnotique, Marie Amiguet filme les deux hommes au plus près, et capte ces moments suspendus de célébration de la beauté du monde. Dialogue entre la réalisatrice et le photographe, à l’occasion de la programmation de leur film La Panthère des neiges, présenté en Séance Spéciale.

Vincent Munier 
Ce projet est parti d’une volonté d’allier photographie, récit et image fixe, une aventure assez artisanale au départ, avec pour but de créer un livre DVD, car j’avais accumulé pas mal d’archives animalières lors de mes six précédents voyages au Tibet. J’avais découvert Marie Amiguet dans La Vallée des loups, aimé son approche, son regard, et je voulais quelqu’un qui nous filme au plus près avec Sylvain Tesson, d’une manière suffisamment discrète pour saisir les émotions les plus sincères. J’avais déjà fait des docs auparavant, et faire des mises en scène m’avait insupporté, on a donc tourné de la manière la plus naturelle possible. Petit à petit, au vu de ce que filmait Marie, on a tenté un film plus ambitieux. Marie a pris en main tout le montage. Deux ans de travail pour emmener ce film vers ce qu’il est maintenant. 

Marie Amiguet
Les dialogues n’étaient pas écrits. On ne connaissait pas Sylvain, je n’osais même pas le filmer car je l’admire beaucoup et j’étais presque gênée de poser ma caméra entre eux. J’allais à leur rythme, ne les dépassais pas, je maniais une toute petite caméra à main avec un seul objectif… Il a fallu sortir la substantifique moelle de tous ces moments spontanés, pour raconter quelque chose qui convenait à nos valeurs, à ce qu’on avait dans le cœur. Il a fallu faire le tri entre ce qui était de l’ordre de l’aventure, de la réflexion philosophique, et ce dont nous avions envie de parler en tant que militants. Ce qui explique que le montage ait été si dur, une torture même.

Vincent Munier 
Nous ne sommes pas des acteurs et Marie parvient à capter les émotions, en particulier à la fin. Rien n’est surjoué car, comme la panthère, elle a réussi à s’intégrer dans le paysage, elle s’est presque effacée. Il y a tout de même une tension très forte quand on est là-bas, avec des conditions difficiles et nous n’avons pas changé notre comportement pour le film. Marie regardait à travers nous, au plus près. 
 

« Ouvrir les yeux sur la simplicité, un pilier dans nos vies qui fait du bien. Ralentir, prendre le temps. On peut s’arrêter sur un rocher, avoir faim, avoir froid et tout à coup il se passe quelque chose. C’est un cadeau qui donne des raisons d’aller vers l’avenir. »

Marie Amiguet
La panthère était le prétexte du voyage, montrer à Sylvain Tesson un animal qui le faisait rêver. En échange, Sylvain devait écrire les légendes pour le livre-photo de Vincent. Petit à petit, il y a eu cette volonté de faire surgir le dialogue entre le photographe et l’écrivain.  L’idée n’était pas de faire une monographie de la panthère, l’animal le plus rare au monde, par LE photographe et L’écrivain. C’était de confronter deux visions préoccupées par l’état de la planète, et de renforcer chacune de ces visions pour la rendre plus parlante. 
 

« Une démarche sincère et authentique pour emmener les gens avec nous au plus près, qu’ils soient aussi saisis par ce par quoi nous sommes saisis. La beauté de ces lieux, ces tempêtes, ces paysages, la rencontre avec ces animaux méconnus. »

Vincent Munier 
Sylvain nous a surpris, il était très discret, à l’écoute, peu bavard, avec un regard de gamin. Sur les chemins noirs portait en filigrane un message assez écologique. Avec ce constat qu’il faisait sur l’enlaidissement de la France, je trouvais qu’il parlait très bien de notre lien avec le vivant. C’est presque de la marqueterie ce talent d’aller droit au but en si peu de mots. C’est lui qui, bouleversé, au bout d’une semaine, m’a demandé s’il pouvait proposer un récit à Gallimard, un livre qu’il n’avait pas anticipé. 

Marie Amiguet
Comme il était assez taiseux, on a redécouvert son voyage à travers son livre, c’était très touchant.