Black Flies : entretien avec Jean-Stéphane Sauvaire

BLACK FLIES © David Ungaro

Adaptation du roman 911 de l’auteur de romans noirs américains Shannon Burke, Black Flies se déroule essentiellement dans le quartier de Bushwick à Brooklyn, lieu de vie du réalisateur. Après l’enfant soldat Johnny Mad Dog (Un Certain Regard, 2008) et l’histoire violente et contrariée du jeune boxeur Billy Moore (A Prayer Before Dawn, Hors Compétition, 2017), Jean-Stéphane Sauvaire relate, avec ce film en Compétition, un pan de vie de l’auteur, alors qu’il exerçait en tant qu’ambulancier dans le New York tumultueux des années 90. Tye Sheridan et Sean Penn y tiennent les rôles principaux. Entretien.

Quelle est la genèse du projet ?

Les producteurs m’ont proposé le livre de Shannon il y a plus de cinq ans. Il m’a intéressé par sa véracité, certes, mais aussi en raison de ma connexion avec le personnage fictionnel de Shannon, à savoir ce jeune ambulancier New-yorkais nommé Ollie Cross. La violence quotidienne de son nouveau job questionne sa spiritualité, son rapport à la mort, à la vie, et  transforme la vision qu’il a du monde et de lui-même. Le livre de Shannon se déroule dans les années 90 à Harlem, à une époque différente, celle du crack, des armes à feu, des gangs et du sida. J’ai eu envie d’adapter cette histoire de nos jours, non plus à Harlem, mais à Brooklyn, dans certains quartiers qui peuvent encore aujourd’hui rappeler cette atmosphère.

Le réel est-il important pour vous ?  

C’est vrai que le réel, dans sa forme documentaire, est important pour moi en tant qu’outil narratif pour construire la fiction. J’ai toujours besoin de croire aux situations que je vais devoir filmer. Et pour en connaître la véracité et pouvoir la retranscrire, il faut s’y confronter. Ma première approche a donc été de rencontrer Shannon et d’aller avec lui, Tye Sheridan et le scénariste sur « les lieux du crime ». La deuxième étape a été de revêtir l’uniforme d’ambulancier et pendant plus d’un an, d’avoir la chance grâce à l’hôpital de Wyckoff à Brooklyn, de vivre de l’intérieur les différentes situations que l’on voit dans le film.

Cette adaptation est-elle fidèle au livre ?

Il me semble, étrangement, que plus on se permet de lui être infidèle à l’écriture, au tournage, plus le film lui sera fidèle. En tous cas je l’espère. Car l’important reste fondamentalement ce que raconte l’auteur du livre dans son universalité. D’ailleurs, Shannon a participé à l’écriture du scénario de Black Flies. Après, le fait de le changer d’époque, de contexte, de quartier, oblige à adapter les situations.

Un mot sur vos acteurs ? 

Je dois avouer que tous les acteurs du film, à des niveaux différents, m’ont fortement impressionnés. Travailler avec Sean Penn est un vrai privilège, il donne à son personnage un vécu et une émotion que seul Sean pouvait donner à ce personnage. Il en est de même pour Tye Sheridan qui a déjà une carrière incroyable malgré son jeune âge et qui s’est totalement laissé aller, poussant ses limites sans aucune peur, tout en rendant son personnage lumineux, angélique.