Butterfly Vision, le regard de Maksym Nakonechnyi

Photo du film BACHENNYA METELYKA (BUTTERFLY VISION) de Maksym NAKONECHNYI © DR

Un Certain Regard suit la marche du monde. Avec Bachennya Metelyka (Butterfly Vision), le réalisateur ukrainien Maksym Nakonechnyi nous emmène dans le Donbass, théâtre de guerre avec la Russie déjà avant la guerre actuelle. Plus exactement, il suit le retour de Lilia, spécialiste en reconnaissance aérienne, emprisonnée un temps dans la région et en proie au traumatisme de la captivité. Il s’agit du premier long métrage du cinéaste.

Qu’est-ce qui vous a inspiré Butterfly Vision ?

L’idée m’est venue en 2018 alors que je montais un documentaire sur des femmes ukrainiennes sur le front de guerre. L’une d'entre elles racontait qu’elle avait passé un accord avec ses compagnons de combat : ils devraient la tuer plutôt que de laisser l’ennemi l’emprisonner. J’ai ensuite commencé à me demander comment une femme soldat pouvait en arriver à envisager que la captivité puisse être pire que la mort. En écrivant le scénario, j’ai compris que je voudrais que ce soit une histoire d’espoir et d’humanité dans un contexte de désespoir.

Comment avez-vous travaillé sur ce film ?

Cette production a été une expérience collective. Tout le monde, que ce soit les témoins qui ont partagé leurs souvenirs pendant la phase de recherche, l’équipe, ou le casting a pu exprimer son approche du sujet – et cela inclut leur histoire personnelle – dans le processus créatif. Nous avons mené un important travail de recherche, rencontré beaucoup de personnes qui ont traversé la guerre d’une façon ou d’une autre, visité des postes militaires, participé à des entraînements militaires et médicaux et, bien évidemment, discuté avec chacun de sa propre expérience.

Quelques mots sur vos acteurs ?

L’ensemble réunit des acteurs professionnels, des non professionnels de l’industrie du film et d’autres néophytes qui ont plutôt une expérience militaire. Le travail de l’actrice principale, Rita Burkovska, est l’exemple même de cette approche multicouche. Nous avons mené le casting sur une assez grande scène et j’ai choisi Rita car j’ai compris qu’elle donnerait corps à sa propre Lilia, aussi inattendue qu’unique.

Qu’avez-vous appris en réalisant ce film ?

J’ai appris que faire des films, c’est l’art de l’équilibre et des compromis.

Qu’aimeriez-vous que vos spectateurs retiennent de ce film ?

Que la guerre ne s’achève pas avec le dépôt des armes mais qu’un être humain peut en surmonter les traces les plus sévères et invisibles.

Quel est votre film culte ?

C’est très dur de choisir donc je vais commencer par le premier. J’étais adolescent quand j’ai commencé à tomber amoureux du cinéma, j’ai vu Sayat Nova (La couleur de la grenade) de Sergei Paradjanov. J’ai été impressionné que les images et le son du film ne se contentent pas de raconter une histoire mais soient eux-mêmes l'histoire et sa poésie.

Quel sera votre projet suivant ?

Après Butterfly Vision, je me suis promis de réaliser une comédie. C’était avant l’escalade russe et l’invasion de notre pays cela dit. La réalité apportera ses propres corrections mais je reste déterminé à raconter l’histoire d’une personne simple, normale, qui, dans son besoin de se sentir utile et importante, sombre dans des théories complotistes. Je veux aborder ce film avec ironie mais d’un point de vue humaniste.

Aussi, avec mes collègues de Tabor, nous avons tourné des images documentaires de la vie quotidienne dans  une ville ukrainienne en guerre. Certaines des histoires que nous avons filmées vont vraiment donner lieu à des films.