Jasmine Trinca décortique la relation mère/fille dans Marcel !

Photo du film MARCEL! de Jasmine TRINCA © Fabio Zayed

Dans Marcel!, son premier long métrage, l’actrice italienne Jasmine Trinca puise dans son histoire personnelle pour décrire les dynamiques qui régissent les relations mère/fille. Un film dans lequel Alba Rohrwacher et la jeune Maayane Conti crèvent l’écran.

Quel est le point de départ de Marcel! ?

L’étincelle est née durant les répétitions de mon court métrage, Être ma mère (2020). Alba Rohrwacher y interprétait déjà le personnage de la mère et Maayane celui de sa fille. Entre deux prises, j’ai vu Alba s’amuser avec Maayane. Elle la faisait jouer au petit chien et aboyer. Cet instant concentrait tout ce que je souhaitais raconter : l’amour, la férocité, la fidélité, la confiance et la haine qui lient une mère et sa fille. Plus que le nom du chien du film, Marcel! est un cri qui cache notre incapacité à lâcher les personnes que nous avons aimées.

 

Quand avez-vous senti que le moment était venu pour vous de passer à la réalisation ?

Les histoires nous habitent, j’en suis persuadée. Certaines restent ancrées en nous, d’autres nous traversent et s’en vont. Et puis il y a celles qui restent là, blotties longtemps dans quelques méandres de notre esprit et grandissent lentement jusqu’à devenir si imposantes qu’il nous faut les raconter pour qu’elles puissent laisser la place à une autre. Il fallait que cette histoire existe en dehors de ma tête.

 

Le film narre l'histoire d'une enfant quelque peu délaissée par sa mère. Quelle est sa part autobiographique ?

La relation avec ma mère a été constitutive de mon existence. En la retraçant, j'ai voulu mettre en lumière certaines des dynamiques profondes de la relation mère/fille. Elles restent, dans l'analyse et dans la narration, encore quelque chose de refoulé, un territoire peu investigué et peu investigable car les hommes s'en sentent naturellement exclus. J'ai simplement utilisé la caméra comme l'œil de ma mémoire. C'est la subjectivité qui gouverne cette histoire et non le réel.

 

C'est aussi un film sur la liberté de se montrer tel qu'on est. Qu'avez-vous souhaité raconter ?

Que la vie est partout, que les femmes sont tordues, différentes de comment nous les racontons ou les décrivons, et qu'à l'intérieur de cette distorsion un peu folle, elles s'autodéterminent et portent en elles le germe douloureux d’une liberté révolutionnaire.

« Quand je suis agitée, je marche, j’erre, je me perds et je me retrouve. C’est ainsi que je découvre le monde. C’est la même chose pour l’enfant et pour sa mère ».

Le film se déroule essentiellement à l'extérieur. Pourquoi ?

Quand je suis agitée, je marche, j'erre, je me perds et je me retrouve. C'est ainsi que je découvre le monde. En le tamponnant, en m'y perdant, et c'est la même chose pour l'enfant et pour sa mère.

 

Comment avez-vous travaillé avec Alba et Maayane ?

Alba est une comédienne généreuse qui a adhéré au projet et l'a incarné. J'ai travaillé avec elle sur la matière physique qu'elle et elle seule pouvait donner à ce personnage. Je trouve que c’est une démarche très difficile pour un acteur parce qu'on a l'habitude de travailler davantage avec eux sur la psychologie des personnages. Quant à Maayane, c’est une enfant porteuse de plusieurs cultures et de plusieurs passions. Elle a la capacité d'entrer en scène et d'apporter instantanément une très grande intensité. C'était merveilleux d'apprendre d'elle et d'essayer de canaliser cette énergie brute sans jamais la perdre.

 

Qu'avez-vous apporté de votre métier d'actrice dans ce premier long métrage ?

La conscience de ce que c'est que d'être regardé par les autres.