Mario Martone évoque le poids du chemin parcouru dans Nostalgia

Photo du film NOSTALGIA de Mario MARTONE

Dans Nostalgia, Mario Martone filme le retour d’un homme au passé trouble à la Sanità, le quartier napolitain qui l’a vu grandir. Le cinéaste italien et son acteur principal, Pierfrancesco Favino, se sont immergés dans cette enclave de la ville pour en restituer toute la véracité.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de Nostalgia ?

On m'a proposé d'adapter le roman éponyme de l’écrivain napolitain Ermanno Rea. Je n’avais jusqu’alors jamais réalisé un film basé sur un livre que je n’avais pas moi-même choisi et l’histoire qu’il raconte m’a immédiatement saisi. Le roman fait la chronique d’un Naples social où la criminalité n’est jamais loin mais étrangement, ce n’est pas tant cet aspect qui m’a intéressé. Cette chronique sociale contient quelque chose de plus profond et de plus mystérieux. Son secret, c’est qu’elle met en lumière à quel point le destin est constitutif de l’existence de chaque être humain. Le roman se déroule à la Sanità, un quartier très particulier de Naples, mais son histoire est universelle.

 

Quel rapport entretenez-vous avec la nostalgie ?

Dans ce cas précis, je n’évoque pas la nostalgie au sens du regret car ce n’est pas un sentiment qui me plait. Je n’aime pas avoir de regrets. Pour moi, la nostalgie découle de cet ensemble de vies et de parcours qui sont derrière nous, qui ont forgé ce que l’on est, mais dans lesquels nous pouvons parfois nous perdre car ils sont entrelacés. Mon personnage est amené à faire le bilan des chemins parcourus car c’est le seul moyen pour lui de se sentir vivant. Ce que met en scène mon film, c’est un labyrinthe de souvenirs, d’histoires vécues et de remords dans lequel il finit par se perdre.

 

Pierfrancesco Favino dégage une tranquillité étrange…

Je souhaitais précisément qu’il apporte cette dimension-là à son personnage, de même qu’une certaine manière d’être présent dans le temps. Il revient dans son quartier et cela l’amène à éprouver de la nostalgie. Je souhaitais réaliser un film qui ait un vrai aspect documentaire et donc tourner sans figurants. Les personnes que l’on rencontre dans le film habitent réellement la Sanità et nous tournons chez elles. Nous avons effectué une immersion aussi physique que spirituelle pour rencontrer les habitants et comprendre leurs mystères. Pierfrancesco a aimé ce parti pris et il a joué le jeu au point que son rapport au quartier est devenu physique.

« J’ai souhaité que le spectateur découvre de quelle pierre le quartier de la Sanità est fait et créer une sorte de conversation avec les personnages ».

Diriez-vous que votre film se rapproche d’une tragédie italienne ?

Avec ses personnages très isolés, il est construit d’une manière qui évoque en effet la tragédie italienne. Mais j’ai surtout pensé Nostalgia en veillant à restituer à l’écran la véracité de ce quartier. Toute l’équipe a été très fortement happée par le processus de réalisation pour lequel il était important que nous ne suivions pas un plan précis de tournage avec des figurants. Il fallait que nous nous mettions en phase avec le quartier, ses habitants et leurs vies.

 

Vous filmez presque la Sanità comme un corps humain…

J’ai voulu filmer les murs du quartier de la même manière que le corps des habitants. J’ai souhaité que le spectateur découvre de quelle pierre il est fait et créer une sorte de conversation avec les personnages. Je n’ai pas forcément cherché à montrer les lieux les plus beaux. J’ai cherché la vérité du matériau, de la même façon que j’ai cherché à montrer la vérité des corps.