Moneyboys, le regard de C.B. Yi

Photo du film Moneyboys © DR

 

Premier long métrage du réalisateur chinois C.B. Yi, Moneyboys suit le parcours périlleux de Fei, un jeune des campagnes chinoises, qui se prostitue illégalement pour subvenir aux besoins de sa famille. Présenté à Un Certain Regard, le film concourt pour la Caméra d’or.

D’où vous est venue l’idée du film ?

Lors de mon année d’étude à l’étranger, je me suis lié d’amitié avec des étudiants acteurs. Pour réaliser leur rêve, certains étaient forcés d’entretenir des relations avec des hommes et des femmes riches et plus âgés qui finançaient leurs études. Un de mes amis travaillait en secret comme gigolo pour payer les frais de santé de sa mère. Son sacrifice m’a beaucoup impressionné. J’ai alors entamé des recherches et j’ai appris que beaucoup d’entre eux exerçaient cette profession pour le bien-être de leurs familles qui, bien sûr, n’étaient au courant de rien. Je me suis alors demandé qu’elle était notre raison d’être sur terre. J’ai d’abord voulu en faire un documentaire mais j’ai vite pris conscience que cela comprenait trop de risques pour les personnes impliquées. La fiction m’a permis plus de liberté artistique pour axer le film sur les problèmes que partagent ces individus, tout en respectant la singularité de chaque expérience.

Quelques mots sur vos acteurs ?

Travailler en plan séquence exige beaucoup plus de concentration de la part des acteurs. Mais ils ont relevé le défi avec beaucoup de talent. Kai Ko, qui interprète le personnage principal, a la capacité de s’immerger dans son rôle en une fraction de seconde. Ses premières prises étaient toujours parfaites. JC Lin, Yufan Bai et Chloe Maayan sont tous aussi talentueux et n’ont pas eu besoin de me solliciter souvent. Chloe incarne d’ailleurs trois personnages différents et je suis très curieux de savoir comment le public va réagir à ça.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

J’ai été initié au cinéma à travers les films d’épouvante chinois. C’était une véritable expérience et les fantômes que je voyais à l’écran m’ont longtemps hanté. Puis j’ai découvert la trilogie de Sissi : les costumes et les yeux bleus de Romy Schneider m’ont fasciné. Quand j’ai déménagé dans la campagne autrichienne dans les années 90, devenir un artiste n’était pas une option. En tant que migrant, on apprend à observer car on a seulement un pied dans la culture qui nous entoure. La plupart de mes histoires découlent de ces observations. Heureusement, j’ai fini par rencontrer quelqu’un qui m’a offert une perspective différente du cinéma : le surréalisme de Buñuel, la sensibilité de Wong Kar-wai… J’ai alors réalisé que les choses les plus inimaginables pouvaient être retranscrites au cinéma.

Quel regard portez-vous sur l’industrie cinématographique de votre pays ?

Je perçois les coproductions européennes comme une seule entité, contrairement aux États-Unis ou à la Chine, qui a la chance d’être soutenue par des secteurs privés et publiques. Je suis très reconnaissant d’avoir rencontré des professionnels qui comprennent à quel point il est difficile pour un film indépendant d’arriver à la cheville d’une plus grande production. L’industrie européenne se définit par des films innovants qui, grâce à leur succès dans les festivals, touchent un public international plus large. Je suis également ravi de voir que de plus en plus de femmes cinéastes ainsi que d’individus issus de parcours culturels et de milieux sociaux différents enrichissent cette industrie.