Pacifiction, l’intrigue exotique d’Albert Serra

Photo du film PACIFICTION de Albert SERRA © DR

De sa vision du Roi Soleil agonisant dans La mort de Louis XIV (Séance Spéciale, 2016) à sa nouvelle intrigue exotique placée sous menace nucléaire, Albert Serra, auteur de l’avant-gardiste Liberté (Prix spécial du Jury Un Certain Regard, 2019), secoue les codes du conformisme. Dans Pacifiction présenté en Compétition, savoureuse intrigue tropicale chauffée par le soleil de Tahiti, Benoît Magimel porte le film, dans le costume d’un haut-commissaire, et Sergi López interroge, dans la peau d’un patron de boite de nuit miteuse. Entretien avec le réalisateur espagnol.

Pourquoi Tahiti ? Pourquoi "Pacifiction"? 
Parce que j'aimais l'idée d’un paradis perdu, ou de l’envers du paradis. Visuellement, ce décor me paraissait plus intéressant aussi, et cela offrait la possibilité de parler d'enjeux contemporains, plus ou moins politiques, à travers une imagerie moins bourgeoise. Le titre renvoie à l'idée de pur fantasme, incarné, dans ce cas de figure, par le Pacifique.
 

Justement, que souhaitez-vous montrer de la société contemporaine ? 
Je ne souhaite rien montrer, les explications surgissent spontanément au cours du tournage, et c’est seulement comme ça qu’elles peuvent refléter le monde avec la complexité visuelle propre au cinéma, et avec l’ambigüité morale qui est propre au monde dans lequel on vit. C’est la seule façon de montrer ses contradictions. Et c’est tout le contraire des séries montrées sur les plateformes, où tout est analysé à l’excès, et contrôlé de telle façon qu’elles en deviennent inefficaces et ineptes à expliquer les contradictions. 

Quel est le lien artistique entre La mort de Louis XIV,  Liberté et votre nouveau film ? 
Le travail avec les acteurs, l’abandon, l’obsession de créer des images aux atmosphères inédites et jamais vues auparavant, la distorsion subtile de la perception de l’espace et du temps, et l’exploitation extrême du potentiel élusif et ambigu de chaque image.