Restaurer Mulholland Drive : dans les coulisses d’un lifting éclatant

Photo du film Mulholland Drive © DR

 

Vingt ans après sa sortie, le film culte de David Lynch, qui avait reçu le Prix de la mise en scène en 2001, revient à Cannes dans une magnifique version restaurée. Jean-Pierre Boiget, directeur d’exploitation chez Studiocanal - à l’origine du projet - en décrypte les enjeux à l'occasion de sa projection à Cannes Classics.

Comment est née cette restauration ?

Mulholland Drive avait été scanné en 4K en 2015, mais aucun débouché n’avait été possible dans ce format numérique car à l’époque, le support Blu-ray ne pouvait pas encore l’accueillir. Les finitions avaient donc finalement été réalisées en 2K par Criterion. En février, on s’est dit qu’il fallait tenter de restaurer le film en 4K pour son 20e anniversaire et l’objectif visé, c’était Cannes. D’habitude, il faut deux ans pour mener un tel projet. Mais tout le monde s’est mis en ordre de bataille, y compris David Lynch, qui a accepté de se déplacer en laboratoire. Nous avons achevé le processus en juin.

Par quelle opération le processus a-t-il débuté ?

Nous avons regardé ce qu’on pouvait récupérer de la restauration de 2015, qui avait été finalisée en 2016. La surprise, c’est que Criterion disposait d’un étalonnage cinéma validé par David Lynch. Quand la restauration avait été initiée en 2015, le cinéaste avait souhaité étalonner son film en mode cinéma. Durant le processus, il nous a toujours dit : « Je fais des films de cinéma ». Il avait donc validé la version grand écran et tous les paramètres d’étalonnage décidés avaient été sauvegardés. Cela simplifiait tout ! Nous pouvions donc repartir du scan existant pour finaliser la restauration en 4K. Mais j’étais un peu gêné car la technologie des scanners a évolué.

Vous avez donc scanné à nouveau le film avec les dernières technologies ?

On ne pouvait pas faire les choses à moitié sur un film comme Mulholland Drive ! Nous avons repris le négatif original et l’avons scanné en 4K avec les dernières technologies disponibles. Cette démarche a apporté au processus de restauration plus de matière et permis de révéler plus de détails du film. Nous avons réappliqué au nouveau scan le projet d’étalonnage cinéma qui existait et qu’il fallait conserver car David Lynch y avait passé beaucoup de temps. Il fallait qu’on ait cette fidélité à son intention car 95% du travail avait été effectué par Lynch en 2015. Mais la greffe technique apportée dans cette restauration est majeure.

Dans quel état se trouvait la bobine ?

Le négatif avait été très bien imprimé, avec beaucoup de matière. Il n’avait pas beaucoup vieilli et avait été très bien stocké. Nous avons pu tout scanner et recomposer en numérique sans perte de définition. Le seul bémol, c’est la qualité de la séquence d’ouverture. Mais elle avait été réalisée en vidéo par Lynch. Ensuite, quand vous arrivez sur les premiers plans du film, les contrastes et la définition de l’image sont incroyables. Sur un film qui date de 2001 comme Mulholland Drive, nous aurions pu avoir pas mal de séquences avec un intermédiaire numérique, mais ce n’est pas le cas. C’est la pellicule qui était dans la caméra qui a été utilisée.

De quelle manière David Lynch a collaboré sur ce projet ?

Il a d’abord vérifié l’étalonnage HDR destiné aux supports Blu-ray avec son étalonneur de référence aux laboratoires Photokem, à Los Angeles, où s’est déroulée la restauration. Grâce à son travail, c’est toute la finesse de la copie cinéma qui sera visible en Blu-ray. Et quand David Lynch a appris que le film était sélectionné à Cannes, il a souhaité réajuster deux ou trois choses de la version cinéma. Il a été très réactif. Preuve qu’il doit vraiment aimer son film.

Une présentation de Studiocanal. Restauration réalisée par Criterion et Studiocanal à partir du négatif original, scanné en résolution 4K à Fotokem, et remasterisation du son à partir du son original 5.1. Son et image ont été validés par David Lynch, dans les formats Cinéma et HDR. Distribution en France par Studiocanal, avec une ressortie en salles de cinéma et édition d’un coffret collector Blu-ray UHD.