Il Ferroviere, l’Italie de l’après-guerre dans l’œil de Pietro Germi

IL FERROVIERE

En 1956, le réalisateur italien Pietro Germi immergeait sa caméra au cœur d’une famille pour décrire, au travers d’un récit universel, les bouleversements d’une Italie en pleine mutation. La cinéaste Charlotte Dafol, qui a publié Pietro Germi et la comédie à l’italienne : Cinéma, satire et société (L’Harmattan), rappelle pourquoi Il Ferroviere est à redécouvrir d’urgence.

Pour replonger dans l’oeuvre populaire d’un cinéaste oublié

Lorsqu’on évoque le cinéma italien des années 1950, on pense toujours aux Federico Fellini et autres Vittorio De Sica. Pourtant, Pietro Germi était un cinéaste extrêmement populaire à l’époque. En Italie, il réalisait généralement plus d’entrées que Fellini. Il a même reçu un Oscar et une Palme d’or – Signore e Signori, 1966 – au cours de sa carrière. Mais c’était un cinéaste qui se tenait à l’écart de ses pairs et du milieu du cinéma. Il n’aimait pas les journalistes et ne donnait presque jamais d’interviews. Il critiquait les communistes et les syndicats, ce qui était assez mal vu à l’époque. Il n’affectionnait pas du tout le cinéma intellectuel et affirmait avec fermeté que le 7e Art se devait d’être grand public. Ses films comportaient une approche toujours intéressante et complexe du psychologique et de l’émotionnel. Il est décédé en 1974 alors qu’il connaissait un grand succès. Pietro Germi mérite qu’on le redécouvre. Il a joué un rôle très important dans l’histoire du cinéma italien et de l’Italie.

Pour sa chronique pertinente de l’Italie d’après guerre

Il Ferroviere est un document historique très pertinent. Pietro Germi avait cette capacité à s’insérer à l’intérieur des familles pour évoquer leurs problématiques sans tabou, à une époque où l’Italie était encore très chrétienne. Il décrivait les problèmes de mariage, d’alcool ou de relations au sein des foyers. C’était assez courageux de sa part et il le faisait avec beaucoup de pertinence. Le film est un document historique sur la vie d’une famille italienne des années 1950. Juste après la Seconde Guerre Mondiale, le cinéma italien a vu apparaître le Néorealisme, avec une production assez dure réalisée dans ce qui était les décombres de la guerre. Dans les années 1950, est ensuite apparu un courant que l’on a baptisé le Néorealisme rose. Il correspondait à une période où le public avait envie de voir des films plus légers et des comédies au cinéma. C’est à ce moment-là que les premières comédies italiennes, qui sont des comédies sociales, ont surgi. Il Ferroviere se situait donc un peu à contre-courant parce c’est un drame qui reste sur une ligne assez dure au niveau de sa thématique. Il se distingue car peu d’œuvres adoptaient encore un tel registre à cette époque. Les cinéastes italiens commençaient à prendre un tournant beaucoup plus léger. Pietro Germi a eu le mérite de se détacher du reste de la production.

Pour la qualité cinématographique d’Il Ferroviere

Pietro Germi était très attaché au travail de montage. De ce point de vue, Il Ferroviere était l’antithèse d’un cinéma intellectuel, lent, avec de longs plans séquence. À l’image de la première scène Il Ferroviere est un film dans lequel Germi a opéré énormément de coupes. Il façonnait toujours un cinéma très dynamique. Il était très inspiré par le cinéma nord-américain. Le rythme du film était très en avance sur son temps. C’est une œuvre qui n’a pas du tout vieilli pour cette raison. Il savait également très bien utiliser la musique. Son style était très moderne.

Pour la performance d’acteur de Pietro Germi

C’est l’un des derniers films où l’on peut admirer l’acteur qu’était Pietro Germi. Il interprète le personnage principal du film. Il faut savoir qu’il rêvait d’être acteur avant d’être réalisateur. Mais son ambition a été fauchée par une paralysie faciale. C’était un très bon acteur et un très bon directeur d’acteurs. Pietro Germi adorait travailler avec des comédiens débutants. Il y a donc toujours, dans ses films, cette sensation d’avoir face à nous de vrais gens. Toute une partie du film se passe dans un bistrot et on sent vraiment que les comédiens sont des locaux.

Une présentation de la Fondazione Cineteca di Bologna. Restauré par la Cineteca di Bologna et Surf Film au laboratoire L’Immagine Ritrovata. Avec le financement du Ministère de la Culture et la contribution de 
« A Season of Classic Films » , une initiative de l’ACE – Association des cinémathèques européennes soutenue par le programme MEDIA de l’UE Europe Créative.